Le serpent, La maison des jeux 1, de Claire North

Pour sa trente-sixième publication dans la collection Une heure Lumière, les éditions Le Bélial’ ont choisi un roman un peu particulier. Le serpent est en effet le premier volume de la série La Maison des jeux, formée de trois romans qui peuvent être lus de manière indépendante mais sont liés par leur thématique. Cette trilogie a été écrite par Claire North, pseudonyme de Catherine Webb. Les deux autres volets suivront à quelques mois d’intervalle : automne 2022 pour The Thief et hiver 2023 pour The Master.

Tout commence à Venise en 1610, et nous allons suivre l’histoire de Thene, jeune femme affublée d’un mari ivrogne, joueur qui a dilapidé leur argent au fil des ans. Pour se proteger de lui, elle s’est construit une carapace, sorte de masque derrière lequel elle dissimule ses émotions. Elle suit son époux à la Maison des jeux où il perd ses derniers deniers. Thene se contente d’observer et d’apprendre, avant de jouer à son tour et de gagner. C’est ainsi qu’elle va découvrir l’existence de la Haute Loge, une salle secrète où seuls certaines personnes peuvent entrer. Elle accepte une partie qui n’a rien à voir avec celle de la Basse Loge. Les enjeux sont tout autre, les pions sont humains et les règles bien précises: un seul but gagner la partie.

Le serpent n’est pas un roman d’action, c’est une histoire de manipulations, de liens qui se tissent dans l’ombre pour arriver à ses fins sous fond de politique. L’enjeu n’est pas seulement pour les participants, il est aussi celui de l’avenir politique de Venise. Cet aspect fait penser à Gagner la guerre de Jean-Philippe Jaworski, tant au niveau manipulations politiques que pour la cité. Tous les coups sont permis dans la partie qu’a entamé Thene. Elle dispose de cartes de Tarots dont elle devra deviner la véritable nature et les utiliser pour créer sa propre stratégie. La voir élaborer son plan peu à peu sous nos yeux est un véritable régal. On est pris par cette histoire, pourtant classique, mais qui va révéler son lot de surprises dans la construction de la stratégie mise en place, dans l’échiquier politique en lui-même.

Une des réussites du roman vient du rôle joué par la ville, qui devient un personnage à part entière. L’atmosphère qui se dégage de Venise est véritablement ensorcelante. La description de la cité est vivante et minutieuse, elle ancre le récit dans une forme de réalisme que viennent contrecarrer quelques éléments amenés de manière très subtile dans le récit. Les personnages secondaires se fondent avec la cité et participent aussi à son caractère si particulier. Dernier point qui caractérise cette novella: son narrateur omniscient qui n’hésite pas à s’adresser au lecteur et nous raconte les événements que va vivre Thene. Ce procédé narratif, qui surprend un peu au départ, a une utilité : il fait partie du jeu mené et révèle plus qu’il n’en dit. Le style de l’autrice est d’ailleurs remarquablement mis en valeur par la traduction de Michel Pagel.

Ce premier tome de la série La Maison des jeux est ainsi une excellente découverte servie par un cadre exceptionnel et une superbe plume. Il donne vraiment envie de lire la suite qui se déroulera cette fois en 1938 en Thaïlande, mais toujours avec la Maison des jeux.

Autres avis: L’épaule d’Orion,

Autrice : Claire North

Traduction : Michel Pagel

Éditions: Le Bélial’

Parution: 24 mars 2022

Venise, 1610.
Au cœur de la Sérénissime, cité-monde la plus peuplée d’Europe, puissance honnie par le pape Paul V, il est un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux. Palais accueillant des joueurs de tous horizons, il se divise en deux cercles, Basse et Haute Loge. Dans le premier, les fortunes se font et se défont autour de tables de jeux divers et parfois improbables. Rarement, très rarement, certains joueurs aux talents hors normes sont invités à franchir les portes dorées de la Haute Loge. Les enjeux de ce lieu secret sont tout autre : pouvoir et politique à l’échelle des États, souvenirs, dons et capacités, années de vie… Tout le monde n’est pas digne de concourir dans la Haute Loge. Mais pour Thene, jeune femme bafouée par un mari aigri et falot ayant englouti sa fortune, il n’y a aucune alternative. D’autant que l’horizon qui s’offre à elle ne connaît pas de limite. Pour peu qu’elle gagne. Et qu’elle n’oublie pas que plus élevés sont les enjeux, plus dangereuses sont les règles…

29 commentaires

  1. Lu cette petite trilogie il y a quelques années en Vo parce que j’apprécie beaucoup l’autrice et que je voulais découvrir ses autres œuvres que celles déjà traduites.
    Franchement sympa et j’aime toujours le fait que cette autrice a un ton et un point de vue différent des autres.

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      • Hum, son plus « classique » est certainement Touch, un thriller dans lequel on suit une personne capable de changer de corps par un simple touché et qui est traqué et traque lui même son opposant sur des siècles …

        Mais sinon tout ses livres sont très originaux, par exemple dans La soudaine apparition de Hope Arden on suit une femme que tout le monde oublie dés qu’ils n’ont plus les yeux posés sur elle et qui se retrouve à enquêter sur une application très à la mode qui veut rendre les gens « parfaits » mais qui cache un noir secret derrière.
        Dans Les Quinze Premières Vies d’Harry August on suit un protagoniste qui revit sa vie à l’infini de sa naissance à sa mort, vie après vie.

        Aucun de ces livres n’est « action », finalement l’intrigue n’est la que pour donner un but au personnage, pas pour avoir des retournements de situation ou autre. On est toujours plus dans l’ambiance qu’autre chose.
        Du coup c’est très spécial à chaque fois, et je comprend que ça ne plaise pas à tout le monde.
        Mais personnellement j’apprécie toujours !
        (et je les ai « lu » en livre audio en voiture et ça allait bien avec l’ambiance)

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  2. Je l’ai lu il y a quelques semaines pour Bifrost, et il m’a beaucoup impressionné. Je pense sincèrement qu’il s’agit du deuxième meilleur UHL, après L’homme qui mit fin à l’Histoire de Ken Liu, qui reste, pour moi, indépassable. J’ai également hâte de lire la suite 😉

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