Célestopol 1922 de Emmanuel Chastellière

Êtes vous prêts pour un voyage sur la Lune il y a une centaine d’années? C’est à cette découverte que vous convie Emmanuel Chastellière avec Célestopol 1922. Le livre parait le 18 mars (un bon mois pour voyager dans l’espace) aux éditions de L’Homme Sans Nom. La très belle illustration de couverture est signée Marc Simonetti et met bien en valeur la diversité de la cité lunaire. On trouve également à la fin de l’ouvrage une carte de la ville réalisée par Olivier Sanfilippo. Célestopol 1922 est une uchronie contenant treize histoires qui s’entrecroisent pour former un panorama de l’année 1922 dans la cité lunaire.

Un peu d’histoire

Le premier recueil Célestopol se déroulait sur des périodes différentes allant de 1901 à 1932. Ce second livre se déroule uniquement en 1922, essentiellement sur la lune, bien que quelques textes nous projettent sur Terre. Nous sommes dans un début de 20eme siècle fictif, l’empire russe a réussi à conquérir la lune et à y bâtir une cité lunaire baptisée Célestopol. C’est une cité sous verre, dirigée par le duc Nikolaï qui a fait de la ville son territoire, et veut en faire le fleuron du nouveau monde. La ville tire sa puissance d’une substance que l’on trouve uniquement sur la lune, le sélénium. Les canaux de sélénium donnent une ambiance particulière à la cité, avec une brume souvent présente. Des ponts de marbre enjambent les canaux et de belles coupoles vert de gris ajoutent à la beauté de la cité en surface. En effet, Célestopol cache une face moins reluisante dans ses souterrains où habitent les moins fortunés. On arrive dans la cité par le cosmodrome de Célestopol où l’on peut voir les armoiries de la ville avec la devise de la cité, instaurée par le duc Nikolaï, Oderint Dum Metuant.

Pendant ce temps, sur Terre, la situation est assez différente de celle de nos livres d’histoire. La Russie toute puissante est dirigée par l’Impératrice Glorianna qui n’est autre que la mère du Duc Nikolaï, l’Allemagne a de nombreuses colonies en orient. L’Angleterre et la France ont subi de nombreux revers et font pale figure par rapport aux deux autres puissances. Napoléon IV dirige un Empire en Amérique où les forces françaises sont retirées en Nouvelle-France et espèrent un jour se venger de la Russie qui les a battues. L’Asie compte deux puissances principales : le Japon (via la république d’Ezo) et le royaume de Silla (en Corée).

Un petit tour d’horizon

Refermons la page historique pour nous consacrer aux différentes histoires formant cet ouvrage. Nous sommes en 1922 et Célestopol est une puissance importante qu’il ne faut pas négliger et qui essaye de prendre son indépendance par rapport à l’Empire de Russie. La cité est un espace cosmopolite où l’on croise des gens de tous les horizons, et aussi des automates. En apparence et à la surface, la ville regorge de merveilles à visiter et a de quoi alimenter la splendeur tant désirée par le Duc. Cependant, la ville abrite aussi des gens moins fortunés et vivant dans les profondeurs de Célestopol. Dans Mon rossignol, on découvre une face cachée de la cité lunaire, avec des tensions ouvrières qui frappent les usines Gloski. Les salaires sont insuffisants et les ouvriers sont contraints de trimer et de vivre dans les profondeurs. Alissa qui travaille dans ces usines prend contact avec Milan, un parlementaire et ancien ami de la jeune femme lors de ses études. Elle espère ainsi faire changer les choses. Une nouvelle qui permet de prendre conscience que les différences sociales existent également à Célestopol. Un visage dans la cendre a pour personnage principal, Kokorin un jeune voleur qui a du mal à joindre les deux bouts et est obligé d’accepter une piètre mission où il s’agit de retrouver un chat perdu. Ce texte parle également de la bande des cheyennes que l’on retrouvera par la suite.

En cette année 1922, il se passe des événements importants pour Célestopol comme les championnats du monde de patinage artistique relatés dans Sur la glace, un des plus beaux textes du recueil qui a pour héros Victor Balagov un ancien prodige ayant refusé de participer aux jeux olympiques de 1920. Un texte tout en émotion où on retrouve Ajax, l’automate majordome du Duc. L’année est aussi marquée par la présence de Marie Curie en ville. On pourra la rencontrer dans Le revers de la médaille, une nouvelle où il est question de club de lecture, de féminisme, d’écriture et de pièces de monnaie. C’est aussi l’occasion de croiser Tuppence Abberline déjà aperçue dans les rues de la cité. Les spectacles de magie remplissent aussi les salles de spectacle en cette belle année comme on peut le voir dans Une nuit à l’opéra Romanova. Cette nouvelle nous permet de retrouver les célèbres mercenaires Arnrùn et Wojtek qui sont engagés pour maintenir la sécurité au cours de la vente d’un célèbre tour de magie. Ce texte est un des plus longs du livre et a un côté aventures mêlées de fantastique. On se laisse facilement prendre par la magie du spectacle. Arnrùn et Wojtek ouvrent d’ailleurs le recueil dans Toungouska qui se déroule en Sibérie, où un étrange évènement s’est produit en 1908. L’occasion de parler de la rivalité entre L’Empire de Russie et la cité lunaire. L’année 1922 est aussi celle où se déroule le premier tournoi d’échecs où s’affrontent l’homme et la machine comme on peut le voir dans Le correcteur de fortune.

Les 13 histoires de cet ouvrage forment un panorama de Célestopol en 1922 avec un véritable ballet de personnages qui s’entrecroisent au gré des différents récits par des mentions, des rencontres fortuites. Toutes ces nouvelles sont ainsi liées à la fois par la ville et par les personnages que l’on découvrent, qui peuvent être des proches du Duc, des célébrités ou des anonymes, des gens ordinaires. Par exemple, Memento Mori met en scène Joseph Ackerman, un veuf habitant avec ses deux filles âgées de 16 ans et 6 ans. On reverra ces personnages par la suite. Autre personnage ordinaire celui de Kasia dans le texte Katarzyna, ancienne pilote d’aéropostale qui a perdu son mari il y a quelques mois lors d’une liaison pour la terre. Ce texte fait partie de mes préférés du livre, on y trouve une part de mystères, d’émotions et un très beau portrait de femme. Célestopol c’est aussi la ville des automates que l’on peut croiser un peu partout mais aussi dans l’établissement chez Hécate, une maison close d’un nouveau genre où travaillent Léon, un vétéran de l’armée et Pélagie dans Paint pastel princess. Une nouvelle très réussie qui montre l’envers du décor et où on retrouve Li Chen, le maitre du casino de la ville.

Célestopol est une ville qui a des racines ancrées en Russie, pays de légendes, avec un riche folklore. L’âme de la ville est marquée par ce folklore dont il reste des bribes sous la modernité, sous la coupole de verre. Danser avec le chaos, texte qui a un petit côté lovecraftien, nous rappelle cet aspect de la ville et de la lune. La malédiction du pharaon met en scène Howard Carter, ancien archéologue qui vivote en Égypte et qui va avoir l’occasion d’essayer de percer à jour un mystère sur la Lune. Une histoire où les mythes ont aussi la part belle. Enfin La fille de l’hiver clôture l’année 1922 par du froid et de la neige, une fin d’année plutôt mouvementée à Célestopol. C’est la plus longue nouvelle du livre, pratiquement une novella où le passé de l’Empire Russe a son importance.

Célestopol 1922 est ainsi un très beau livre d’histoires qui sont comme des instantanés de la ville pendant une année, une année charnière pour la cité avec de nombreux événements, des personnalités, mais aussi la vie de gens du commun. La cité de Célestopol est le véritable personnage du livre, on la découvre ou redécouvre avec toujours autant de plaisir en se laissant porter par la très belle plume de l’auteur et en arpentant ses rues. Alors n’ayez pas peur, laissez vous tenter par ce voyage, laissez vous porter par les battements du cœur de la cité, promenez vous au bord de ces canaux ambrés. La lune est à votre portée!

Autres avis: Le syndrome quickson,

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En Papier

Auteur: Emmanuel Chastellière

Éditeur : L’Homme sans nom

Parution: 18/03/2021

1922.
Une année folle à Célestopol !
Une année à la découverte des mirages et des merveilles de la cité sélène, joyau de l’âme slave arraché à la Terre, entre les mains d’un duc au destin défiant le cours du temps.
Une année où croiser dans ses rues Marie Curie, l’archiduc François-Ferdinand ou Howard Carter, mais aussi humbles ouvriers, voleur volubile ou automates au cœur de cuivre. Entre ruines lunaires à explorer, un championnat du monde d’échecs à préparer ou des complots à déjouer… Les canaux ambrés de la ville n’ont pas fini de vous dévoiler ses secrets !

Emmanuel Chastellière nous invite à redécouvrir une ville bâtie sur la Lune dans l’ombre de Jules Verne, à l’aube d’une ère nouvelle délicieusement uchronique, à travers 13 histoires qui s’entrecroisent dans un véritable chassé-croisé étourdissant.

Cette chronique fait partie du projet Ombre

31 commentaires

  1. J’ai survolé la critique car je vais bientôt lire ce titre mais ça m’a donné très envie! Je me demandais s’il était préférable d’avoir lu l’autre recueil Célestopol, ce qui n’est pas mon cas, mais je pense que l’auteur a réussi avec brio une nouvelle découverte d’une cité déjà connue pour les petits nouveaux

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    • Il se lit très bien sans avoir lu le précédent à mon avis. Il se passe uniquement sur une année alors que le premier couvrait une plus large période. Il y a des personnages récurrents entre les deux mais ça ne gène vraiment pas pour découvrir Célestopol.

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  2. Je reviendrai lire l’intégralité de ta chronique après l’avoir lu. Je me suis procuré le premier d’abord, je sais que celui-ci peut se lire sans le premier, mais j’aime bien faire les choses dans l’ordre 😀 et si j’aime bien, ça me permettra de savourer le second davantage.

    Aimé par 1 personne

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