Body Snatchers – Jack Finney

Body snatchers est un roman de Jack Finney écrit en 1955, puis actualisé par l’auteur en1978. Il enleva certains éléments (tabagisme, sexisme) puis déplaça l’intrigue de 1953 à 1976. Il fut adapté à de nombreuses reprises au cinéma dès 1956, traduit une première fois en France sous le titre Graines d’épouvante en 1977, puis sous son titre de L’invasion des profanateurs en 1994. Le titre original fait écho à une nouvelle de Robert Louis Stevenson de 1884, The Body Snatcher. Le titre est assez difficilement traduisible en français et les éditions Le Bélial’ ont décidé de conserver le titre Body snatchers L’invasion des profanateurs. Pour cette nouvelle édition française, ils ont décidé de dépoussiérer la traduction en partant du texte définitif produit par l’écrivain. La très belle illustration de couverture, aux accents lovecraftiens, est signée Aurélien Police. Le livre est augmenté d’une postface de Sam Azulys consacrée à la descendance cinématographique du roman.

Le contexte

Nous sommes au mois d’octobre 1976, Miles Bennett habite la petite ville de Mill Valley en Californie. Il est médecin généraliste tout comme l’était son père avant lui. Il connait presque tout le monde dans cette charmante petite ville où il a grandi. Un jour, il reçoit la visite de Becky Driscoll, l’un de ses amours de jeunesse. Becky confie à Miles Bennett qu’elle s’inquiète pour sa cousine qui prétend que son oncle n’est pas son oncle. Après une visite de routine, Miles ne s’inquiète pas plus que ça. Mais quand plusieurs patients viennent le voir en étant persuadés que leurs proches ont été remplacés par des doubles, il commence à angoisser puis à douter. Le docteur Bennett va alors faire d’étranges découvertes et essayer de comprendre l’origine de ce mal collectif.

La figure du simulacre

Même si le titre du roman a connu plusieurs traductions en français, il symbolise bien le thème du roman: le remplacement d’humains par des extra-terrestres volant leur vie et leur apparence. Cette thématique était très présente dès les années 50 en science-fiction. Lors de la première parution du roman, le livre fut même accusé de beaucoup ressembler au roman Marionnettes humaines de Robert A. Heinlein, paru en 1951 où des créatures extraterrestres parasitent des humains en se nichant dans leur cou puis en prennent le contrôle. Depuis, ce thème est revenu couramment présentant le plus souvent des doubles semblables en tout points à la personne, autant physiquement qu’au niveau des souvenirs ou habitudes. Seul un petit quelque chose fait qu’ils apparaissent différents à leurs proches.

Body snatchers est devenu un classique de Sf horrifique, mettant en place des éléments devenus des canons du récit d’angoisse se déroulant dans les petites villes, où l’horreur peut surgir n’importe où. L’histoire est très ancrée dans les années 50, et cela se ressent par plusieurs points. Tout d’abord les technologies présentes comme le téléphone, qui joue un rôle important dans l’histoire. Par le rôle des femmes qui il faut bien l’avouer sont souvent là pour être sauvées ou pour soutenir le héros. Mais il a aussi le charme suranné de cette époque, rappelant parfois les épisodes de la quatrième dimension. La peinture de Mill Valley, petite ville américaine typique vaut aussi le détour. Sous l’influence de l’invasion extra-terrestres, la ville dépérit, se transforme tout comme la population. La mutation devient la normalité ce qui la rend terrifiante. Jack Finney parle ainsi de l’angoisse de la normalisation, en se servant d’une petite ville américaine typique. Tous ces éléments combinés à la peur des autres font que le roman est devenu un classique de la science-fiction horrifique, où chacun est potentiellement l’ennemi. On se questionne sur ce qu’est la nature humaine, sur ce qui nous différencie des extra-terrestres, sur ce qui est propre à l’humanité.

La narration

Jack Finney choisit de raconter son histoire en utilisant le récit autobiographique et en faisant de Miles Bennett le narrateur du roman. Cela donne un rapport d’intimité entre le narrateur et le lecteur et donne à voir l’histoire uniquement selon son point de vue. Miles exprime ses doutes, émet des hypothèses sur ce qui se passe. Cela contribue à créer une forte tension psychologique, à jouer sur le doute, sur la possibilité d’une hallucination collective. L’auteur rappelle même un cas étonnant d’hystérie collective qui avait défrayé la chronique américaine en 1944 : le maniaque de Mattoon. D’ailleurs le fait de douter de l’identité de ses proches est une maladie connue appelée le syndrome de Capgras.

Jack Finney donne à l’horreur un visage humain, faisant de nos proches des inconnus malfaisants. L’angoisse monte peu à peu, transformant la ville en huis-clos, prenant au piège ses habitants. On se méfie de tous, on doute, on ne sait pas quoi penser ni comment agir. Miles Bennett est un scientifique, et pourtant il remet constamment en question ce qu’il voit, envisageant de nombreuses possibilités avant de croire en la possibilité d’une invasion extraterrestre. Jack Finney créé une histoire véritablement angoissante et paranoïaque, pourtant sans aucune scène sanglante. Tout est dans l’incertitude, la tension, le questionnement. Le héros doit trouver des preuves tangibles de l’invasion extraterrestre pour échapper aux pièges tendus par le doute, par son inconscient. Le combat passe aussi par une lutte acharnée contre soi, contre ses propres interrogations.

L’écriture est très scénaristique et le roman se lit d’une traite sans temps mort. Le roman fut d’ailleurs adapté plusieurs fois au cinéma. L’excellente postface de Sam Azulys revient sur ces adaptations et sur les films ayant des thématiques similaires. La première date de 1956 et est signée Don Siegel. La fin est plus ouverte que dans le roman. Les films ont eu diverses interprétations tout comme le roman, même si Jack Finney n’a assuré ne vouloir qu’uniquement divertir son lectorat.

Body snatchers est ainsi un classique de la science-fiction horrifique. Bien entendu le roman est ancré à la période des années 50 où il a été écrit, mais c’est un récit particulièrement angoissant et efficace. Le ton général est celui de l’inquiétude et de la suspicion, portées parfois jusqu’à la paranoïa face à des extraterrestres d’un nouveau genre et sans scènes gores. Après la lecture, on se surprend à ne plus regarder les autres tout à fait de la même manière.

Autres avis: L’épaule d’Orion, Outrelivres, Un dernier livre, Touchez mon blog,

Auteur: Jack Finney

Éditions: Le bélial’

Parution: 16 juin 2022

Mill Valley.
Petite ville paisible de Californie.
Son médecin. Son shérif. Ses commerces.
Et dans les caves de Mill Valley, des cosses.
Elles viennent d’ailleurs.
Elles veulent des corps humains.
Un jour, elles les prennent…

Paru en 1955, en plein maccarthysme, ce classique mondial de la science-fiction paranoïaque a révolutionné la thématique de l’invasion extraterrestre. Il a été adapté au cinéma à de nombreuses reprises, notamment par Don Siegel (1956), Philip Kaufman (1978) et Abel Ferrara (1993).
Ici proposé dans une traduction révisée définitive, ce roman clef de Jack Finney (1911-1995) est largement commenté dans une postface signée Sam Azulys.

Cette chronique fait partie du Challenge S4F3 2022

9 commentaires

  1. Du coup, c’est un peu surprenant tout cet aspect années 50, si le roman a été retravaillé par l’auteur pour déplacer l’intrigue 20 ans plus tard ? L’intrigue a l’air intéressante, mais j’ai pas envie d’angoisser en lecture pour l’instant, donc, je passe 😀

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