Par delà l’horizon anthologie

Par delà l’horizon est une anthologie de nouvelles publiée par les éditions Actusf. Le livre rassemble dix-neuf auteurs et autrices et a pour but de faire un point sur la Science fiction française contemporaine. Le directeur de l’anthologie est Sébastien Guillot et on trouve une postface signée Ariel Kyrou. La belle illustration de couverture est de Zariel.

La science fiction est plurielle, elle contient de nombreux sous genres, dont beaucoup sont représentés dans ce livre. Au travers de ces textes, les différents auteurs évoquent les futurs possibles de notre monde en se servant de notre présent, et finalement parle surtout de nos sociétés.

L’hyper connexion est un sujet très actuel. On le retrouve dans plusieurs textes à commencer par celui qui débute l’anthologie : La parfaite équation du bonheur de Émilie Querbalec. L’autrice écrit une anticipation sur les diverses applications qui peu à peu prennent de plus en plus d’importance dans nos vies. Elle met en scène un couple se rencontrant via une application de rencontre appelée Meetiel. Meetiel leur permet aussi de savoir quand se rencontrer, leur indique comment agir dans leur couple en devenant de plus en plus intrusive. Le texte est bien écrit, très réaliste et aborde un sujet parlant à beaucoup de monde. Audrey Pleynet aborde les mêmes thématiques avec La solitude des fantômes, où une vieille dame se réveille après un coma de 2 ans. Elle ne découvre pas le Covid à son réveil mais l’existence d’une nouvelle technologie permettant de rester connecté sur les réseaux pendant que l’on fait autre chose, séparant presque le corps du cerveau. L’autrice évoque ainsi une exploration des réseaux poussée à l’extrême et entrainant une perte de repères de la réalité. Elle signe une des meilleures nouvelles du livre, très bien pensée, écrite et construite.

Les progrès technologiques sont aussi au centre de certains textes avec les questionnements qu’ils peuvent entrainer. Dans Le juge, le bot et l’écureuil de Christian Leourier, un robot commet un crime et vient s’en accuser. Le problème est que son statut de bot l’empêche d’être jugé. Ce texte aborde des thèmes très intéressants sur la nature des robots et les sentiments qu’ils peuvent avoir. Un très bon texte. On retrouve ces problématiques dans Projet Cérébrus de Floriane Soulas où une scientifique travaille sur un projet avec des androïdes dans le but d’aller dans l’espace pour donner un nouveau départ à l’humanité. On retrouve les interrogations de l’androïde mais cette fois de son point de vue.

Les désastres écologiques sont aussi abordés notamment dans Deimocratos de Stéphane Beauverger, qui nous présente un futur très sombre où les humains prennent des inhibiteurs de sentiments. L’auteur arrive à créer une sensation de peur très présente. La nouvelle contient beaucoup d’éléments à assimiler et présente un univers bien décrit. Dans Espoir, Silène Edgar met en scène une terre mourante qui décide d’envoyer un vaisseau sans passager vers un système solaire habitable. La nouvelle est très intéressante, mais décrit une très longue période et c’est un peu survolé par moments.

Les autres textes ont des thématiques différentes difficiles à regrouper. Ketty Steward dans Quantique pour la liberté parle des difficultés des femmes dans le monde du travail qui vont en s’accentuant dans le futur. Romain Lucazeau nous propose un trope dans Variation sur un poème de Borges, texte certes très bien écrit mais dont j’ai du mal à voir l’intérêt. Le langage est au centre de Et le verbe se fit cher de Pierre Bordage, un texte qui imagine une nouvelle loi imposant une taxation sur les mots employés à l’écrit, ce qui est un gouffre financier pour les écrivains. Le texte est plaisant à lire mais sans véritable enjeux. Frédéric Jaccaud dans Golden age blues met en scène une belle histoire d’amitié mais certains éléments manquent de crédibilité.

D’autres textes ne m’ont pas trop parlé ou n’ont su me toucher, comme souvent dans les recueils avec autant de nouvelles. Je terminerai avec deux nouvelles que j’ai beaucoup aimé pour des raisons différentes. Tout d’abord Ne vous inquiétez pas on va s’y mettre de Jean Laurent Del Socorro où on retrouve « la patte » de l’auteur. L’histoire suit le quotidien d’un père divorcé, et de sa fille adolescente dans un monde où des extraterrestres ont débarqué sur terre grâce à des portes. L’auteur parle du racisme, des différents problèmes mis en exergue par cette arrivée. Même s’il n’y a pas beaucoup de développement sur les extraterrestres, la nouvelle est très bien écrite avec émotion et toujours une très belle plume. Chéloïdes de Jeanne-A Debats se différencie des autres avec une histoire où la place de la science fiction est assez réduite mais très importante néanmoins. Une romancière a subi une très violente agression et a des cicatrices sur tout le corps. Cet état l’empêche étrangement d’écrire et à chaque tentative, la douleur se réveille et la mutile encore plus. La nouvelle est très prenante, avec un sujet délicat et peu conventionnel. Elle reste en mémoire après lecture pour son ambiance si particulière.

Comme très souvent dans les anthologies, Par delà l’horizon contient de très bons textes, d’autres moins marquants et certains où on n’arrive pas à entrer. Pourtant, les très bons textes valent vraiment le détour. Les 19 récits sont variés et abordent beaucoup de thématiques de la science fiction en montrant à quel point elle parle surtout de l’humain.

Autres avis:Les pipelettes en parlent, Yuyine,

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Collectif

La science fiction est un genre dynamique en France. A l’orée de cette décennie 2020 qui commence, nous avons rassemblé des talents francophones pour leur demander une nouvelle de SF. Auteurs confirmés (Pierre Bordage, Jeanne-A Debats, Stéphane Beauverger…) et nouvelles plumes (Michael Roch, Floriane Soulas, Lauriane Dufant) se sont prêtés au jeu, donnant en une vingtaine de nouvelles passionnantes une image kaléidoscopique de ce qu’est la science fiction aujourd’hui en France. Le sommaire : Audrey Pleynet, Pierre Bordage, Silène Edgar, Luvan, Floriane Soulas, Léo Henry, Ketty Steward, Jeanne A. Debats, Lauriane Dufant, Stéphane Beauverger, Laurent Kloetzer, Michael Roch, Christian Leourier, Christelle Gombert, Emilie Querbalec, Jean-Laurent Del Socorro, Frédéric Jaccaud. Une anthologie dirigée par Sébastien Guillot.

12 commentaires

  1. Très chouette chronique. Nos avis se recoupent pas mal pour l’ensemble des textes. J’ai également beaucoup aimé les textes d’Audrey Pleynet, Jeanne-A Debats et Jean-Laurent del Socorro. Ce sont d’ailleurs ceux qui me restent encore en tête avec celle de Léo Henry

    Aimé par 1 personne

  2. Débordée de livres, je suis, je vais donc décliner l’invitation que tu lances à lire ce recueil. SI à l’occasion j’ai la possibilité de lire les nouvelles qui méritent le détour, ce sera chouette.
    Pas frapper le lutin, hein ?!

    Aimé par 1 personne

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