Lovecraft et le jeu vidéo

Ayant joué à pas mal de jeux vidéo inspirés de Lovecraft et lu beaucoup de ces textes, j’ai eu envie de me pencher sur ce livre qui porte sur l’influence de H.P.Lovecraft sur la culture pop au travers des jeux vidéo, et la culture en général. Les éditions Ynnis sont spécialisées dans les ouvrages sur la culture pop notamment, mais aussi sur la culture japonaise et le jeu vidéo. L’auteur, Carlos Gomez Gurpegui, (né en 1991, était bébé lorsque Alone in the dark est sorti, mais visiblement il a pu percevoir l’importance de ce jeu dans la culture vidéoludique actuelle). Il a notamment a travaillé comme journaliste dans le milieu du jeu vidéo, et a aussi une activité plus académique pour des rencontres et colloques.

Le livre est composé de deux parties: la première s’intéresse à la vie de l’auteur tandis que la seconde porte plus particulièrement sur le titre choisi pour l’ouvrage. Paradoxalement, la première partie est plus importante et déjà connue de tous ceux qui s’intéressent à l’auteur de Providence. Cependant, l’argumentaire de l’auteur se nourrit de l’approche bibliographique, ce qui justifie cette partie si fournie.

Dans un premier temps, l’auteur s’attache donc à ressituer Lovecraft dans son contexte et à parler de sa production, tout en évoquant ses différentes inspirations, ce qui lui permet de décortiquer ce qui fait le mythe. En effet, tout ce qui tourne autour du fameux mythe de Cthulhu est assez différent dans la vision qu’en avait Lovecraft. De part l’immense correspondance qu’il entretenait avec différents auteurs, sa mythologie s’est agrandie de plusieurs divinités, créatures, lieux et histoires. Puis après le décès de Lovecraft, Derleth a permis de redécouvrir ces écrits du maître de Providence en y ajoutant toutefois sa vision plus proche de l’approche catholique, opposant le bien et le mal, donnant un sens aux desseins des créatures. Cette perception est bien loin de l’esprit initial des écrits de Lovecraft comme de nombreux auteurs du premier cercle. C’est ainsi que la vision de Derleth a prédominé un peu partout. C’est très intéressant à lire et assez amusant de se retrouver dans les exemples décrits par Carlos Gomez Gurpegui : oui moi aussi j’ai longtemps cru que Le Rôdeur devant le Seuil était un livre de Lovecraft (bah oui c’était écrit sur la couverture), et constaté que La Trace de Cthulhu est plus proche d’un récit pulp tiré d’une partie de Jeu de rôle foireuse (« bon maintenant on va atomiser R’lyeh ») que de toute production de Lovecraft.

Carlos Gomez Gurpegui aborde également les différentes approches qui permettent de jouer dans les mondes de Lovecraft que ce soit dans les jeux de rôle ou les jeux de plateau. J’étais en terrain connu, étant maitre de jeu et joueur à l’appel de Cthulhu depuis de longues années et ayant plusieurs jeux de plateau tirés de cet univers. On se rend compte alors que l’on joue plus à des jeux qui ont une vision derlethienne du mythe qu’une approche lovecraftienne…

L’auteur aborde ensuite plusieurs jeux vidéo au travers d’une sélection de jeu restreinte mais approfondie. Il décrit chacun en montrant ce qui fait leurs forces, leurs faiblesses, leur rattachement à un univers purement lovecraftien.On y retrouve des titres anciens, comme plus récents. Le livre intègre même des éléments sur des jeux en projets, pas encore sortis (dans une postface bien argumentee. L’auteur nous fait part de sa grande érudition sur le sujet, en parlant de la genèse souvent très complexe de ces jeux vidéos.

On trouve ainsi Alone in the Dark, titre emblématique, révolutionnaire à sa sortie pour sa réalisation, et aussi parfaitement réussi au niveau de l’ambiance. Les titres d’Infogramme, Shadow of the comet et Prisoner of ice sont également au programme. Pour chacun, Carlos Gomez Gurpegui donne son avis et son jugement par rapport à la fidélité à Lovecraft. Les autres jeux mentionné dans cet ouvrage sont: Eternal Darkness : Sanity’s requiem, Call of Cthulhu : Dark Corners of the Earth, Penumbra, Amnesia, Bloodborne et Everybody’s Gone to the Rapture. L’auteur analyse en quoi chaque titre est particulier, et ce qui le rapproche de tel ou tel titre de l’œuvre originale de Lovecraft. Par contre, je conseillerai d’avoir un écran pas loin pour voir ce que veut dire parfois l’auteur car le propos peut être compliqué à suivre lorsque l’on n’a pas joué au jeu vidéo correspondant.

Ce livre apporte de nombreuses informations tout en rafraîchissant l’approche de l’œuvre de Lovecraft . Il s’adresse ainsi autant aux joueurs de jeux vidéo qu’aux lecteurs de Lovecraft s’intéressant à l’adaptation des écrits en jeux vidéo. Paradoxalement j’ai plus apprécié la partie sur le mythe que celle sur les jeux vidéo qui s’est révélée plus indigeste au niveau de l’écriture, avec pas mal de répétitions dans des paragraphes successifs. Pour pleinement apprécier cette seconde moitié du livre il est selon moi indispensable d’avoir une solide culture vidéoludique, ce que je n’ai pas, ou seulement partiellement (j’avais joué / terminé à 5 jeux cités). Mais ça donne envie de découvrir de nouveaux jeux, et de redécouvrir ceux que l’on connait… donc objectif accompli.

Autres avis:

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En papier

Auteur: Carlos Gómez Gurpegui

Édition: Ynnis Éditions

Parution:17/03/2021

Howard Phillips Lovecraft est sans conteste l’un des auteurs fantastiques les plus influents du XXe siècle. La monstrueuse cosmologie qu’il a imaginée et le climat particulier de ses écrits ont influencé nombre de créateurs dans tous les domaines artistiques. Depuis sa genèse, le monde du jeu vidéo n’a eu de cesse de mettre en scène cet univers riche et angoissant.

80 ans après sa mort, sa vision unique se retrouve dans de multiples oeuvres vidéoludiques : Alone in The Dark, Call of Cthulhu, Bloodborne… Sans oublier les jeux de société et les jeux de rôle dédiés aux Grands Anciens et leur progéniture.

Que vous soyez connaisseur ou néophyte, découvrez notre analyse de ces aventures postérieures au grand œuvre du maître de l’horreur. Elles ont largement contribué à faire du Rêveur de Providence une icône de la pop culture, et maintiennent le mythe vivant.

5 commentaires

  1. J’aime beaucoup Final Fantasy IX (où Lovecraft a droit à un easter egg) mais aussi les jeux de Blizzard (Hearthstone, Warcraft etc…) où les « Divinités très anciennes » sont fortement inspirés des œuvres de Lovecraft!
    Sans compter Secret World qui se sert allégrement!

    Et franchement bravo! En général, on trouve des livres sur Lovecraft mais jamais de livres montrant à quel point son univers a inspiré des jeux vidéos!

    Je vais me faire un plaisir de lire ça et qui ça cela me poussera à jouer à d’autres jeux ou à lire d’autres œuvres de Lovecraft!

    Aimé par 1 personne

    • Merci pour ton commentaire, je ne joue plus beaucoup aux jeux vidéo, mais ai passé un peu de temps sur Secret World qui effectivement pompée pas mal de choses de Lovecraft. En fait les clins d’œil dans les jeux vidéos sont nombreux ( je me souviens d’un culte venerant un dieu à face de poulpe dans the witcher), mais peu reprennent tous les ingrédients d’un récit de Lovecraft, ce qu l’auteur cherche à décortiquer dans ce livre. Un livre pour érudit curieux, qui pousse à de nouvelles découvertes.

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