Burning sky – Stéphane Przybylski

Après sa tétralogie des origines, revisite façon histoire secrète de la seconde guerre mondiale éditée chez Le Belial, Stéphane Przybylski revient avec une œuvre qui tient plus de la strictie uchronie, lors de la période de la guerre de sécession américaine : Burning sky, édité par Denoël collection Lunes d’encre.

Comme dans ses précédents livres, chaque chapitre mentionne en préambule la date à laquelle se situe l’action, ce qui est un peu moins capital ici, car la trame est plutôt linéaire, avec juste au départ et à quelques rares occasions des flash-back ou des sauts dans le futur. On se trouve plongé dans le livre par un prologue assez étonnant, dans lequel des émigrés américains cherchent à rentrer au Mexique sur un curieux appareil volant, survolant une cité de Mexico technologiquement incroyable… avant de se faire refouler et renvoyer chez eux ! Pied de nez à l’Amérique actuelle, mais tout le roman va tâcher de montrer le point de départ de cette uchronie, ce qui a fait basculer l’histoire dans une autre version de notre monde. A noter que le livre comprend un glossaire avec un certain nombre de noms de personnes, lieux de bataille, noms d’armes, et termes indiens, ainsi qu’une chronologie du démarrage de la guerre et du contexte.

Retour quelques temps avant le déclenchement de la guerre de Sécession : on découvre un jeune couple, Inger Aarensen et Ferenc von Richter, lui futur ingénieur rêveur en Prusse, elle fille d’un industriel construisant des vapeurs modernes. Ils n’osent pas s’ouvrir l’un à l’autre, et vont chacun suivre leurs chemins. 10 ans plus tard, elle est côté nordiste, à la tête d’une entreprise industrielle du secteur de la défense, puissante et riche. Quant à lui, il se retrouve observateur pour le compte de la Prusse dans le conflit sanglant qui démarre à peine entre les états du nord et les confédérés, et très vite témoin impuissant de la violence et de la boucherie de cette guerre civile. Blessé et éloigné du front, il rencontre plusieurs personnes singulières qui vont lui faire germer une idée pour changer les choses : Ferdinand Von Zeppelin tout d’abord, auprès duquel il imagine un moyen de transport aérien, et qui le recommande à l’ingénieur russe Vassili Tchernikov et à Mahpiya Ilé, un indien d’Amérique. S’ensuit un voyage à travers les états du nord, la rencontre avec ces deux individus hauts en couleur avec lesquelles il va devenir inséparable. Plusieurs protagonistes vont les rejoindre, dont un militaire français fuyard du corps expéditionnaire envoyé par Napoléon III au Mexique.

A côté de ce voyage de Ferenc, on suit le périple de Inger de manière plus synthétique. Elle semble avoir une connexion avec le psyché du prussien, capacité acquise avec l’enseignement de sa gouvernante originaire des Balkans. Inger va n’avoir de cesse que de retrouver son ami d’enfance, mais pour cela elle va embrasser l’attitude violente des conquérants du nord face aux tribus indiennes du centre des États-Unis, région où elle retrouve la trace de Ferenc.

Le roman est assez linéaire une fois les quelques sauts dans le temps initiaux passés. On suit la destinée de Ferenc dans son périple entre les terres indiennes et son projet pour mettre fin à la guerre. Il réalise un voyage initiatique, entouré de divers mentors et conseillers. On réalise vite qu’il va trouver un moyen de construire un engin militaire volant révolutionnaire, mais dans quel camp va-t’il se ranger ? Dans tous le roman, la notion de bien et de mal est assez partagée, tant on trouve de bonnes idées dans chaque camp belligérant, immédiatement réduites à néant par des considérations de non-respect des peuples ou un racisme omniprésent. Dans notre imaginaire occidental, le nord est souvent assimilé au bien, mais la lecture de ce livre détruit beaucoup d’idée préconçues, et donne à comprendre le comportement et les revendications de chaque camp dans la guerre de Sécession. Il tacle allègrement au passage les généraux conduisant les deux armées, des « stratèges » oscillant entre le nul et l’incapable, juste capable d’organiser des triperies géantes.

Tout le cheminement pour construire l’aéronef est assez incroyable, et l’ensemble des techniques semble possible si elles avaient été combinées. Mes restes de chimie ont du être réchauffés pour que je suive certains résonnements, mais on se plaît à observer ces inventeurs géniaux. Le livre s’accélère progressivement, pour arriver à une scène de bataille impressionnante, combinant forces terrestres, maritimes, et aériennes. On sent bien ici la compétence de Stéphane Przybylski pour la chose militaire et la manière de raconter un engagement militaire. J’ai aussi trouvé un côté Secret de l’Espadon dans cette scène, cela m’a beaucoup parlé. On note aussi tout au long du roman un catalogue d’armes très exhaustif de l’époque, mention spéciale de la mitrailleuse Gatling qui n’avait pas été retenu par le nord (trop couteux en munitions !), et au canon automatique dont je n’ai pas réussi à retrouver le modèle dans notre réalité.

Les personnages autour de Ferenc sont sympathiques, surtout Vassili Tchernikov, Mahpiya Ilé et le français Morleau, croisement improbable entre un chevalier déchu et un vétéran de l’époque napoléonienne. Mes personnages préférés sont ces deux derniers, et l’aventure qu’ils vivent en France m’a fait penser aux tribulations des Lames du Cardinal de Pevel. Ferenc m’a semblé nettement plus froid, jeune ignorant au début du récit (normal), il suit un apprentissage rapide, mais qui l’éloigne des autres, il apparaît bien froid, excepté quand il admire sa chérie, ou quand il retrouve Inger. Je l’ai trouvé proche du précédent héros de Stéphane Przybylski, Saxhaüser, une fois qu’il a été contacté par les extra-terrestres : il est plus détaché, et ne semble vivre que pour réaliser son grand plan.

Mention moyenne pour les femmes dans le roman : hormis l’amie d’enfance reconvertie en ennemie jurée, on trouve la très belle indienne transparente (on ne voit que ses courbes…) et de vagues prostituées.

Ce roman est donc un bon moment de lecture, on dévore les pages de cette uchronie, qui se présente comme un roman d’aventure et d’apprentissage. Les événements sont assez prévisibles, mais la plume de Stéphane Przybylski est très efficace. La « magie » est présente, mais plus du point de vue de la voyance ou d’une sorte de plan astral indient. Au milieu des péripéties, le lecteur se pose maintes questions sur le conflit américain, et apprend beaucoup de choses. Le mythe de la conquête de l’ouest prend une bonne baffe, et les Américains de l’époque en général aussi, mais le voyage vaut le coup !

Autres avis: le nocher des livres,

Auteur:Stéphane Przybylski

Éditions: Denoël collection Lunes d’encre

Parution: 08/02/2023

Et si les États-Unis n’avaient jamais existé ?
1863.
Soutenu par Napoléon III, Maximilien d’Autriche se voit proposer la couronne d’empereur du Mexique. En Amérique du Nord, la guerre entre l’Union et les Confédérés est sur le point de prendre un tournant décisif. Ferenc von Richter, envoyé par le roi de Prusse pour le tenir informé de l’évolution du conflit, fait la connaissance du comte Ferdinand von Zeppelin, qui vient d’effectuer son premier vol en ballon à Saint-Paul, Minnesota. Ensemble, ils se prennent à rêver d’un monde où les plus légers que l’air mettraient fin à toutes les guerres. Mais Ferenc va croiser la route de Morleau, un Français ayant appartenu aux chasseurs d’Afrique, et celle de Mahpiya Ilé, un natif américain qui lui ouvrira les portes d’un autre monde… plus spirituel. Ces trois aventuriers pourraient faire de cette année 1863 celle où le cours de l’histoire a changé à tout jamais.
Stéphane Przybylski mêle habilement les genres – western, roman historique, uchronie, roman-feuilleton – et propose avec Burning Sky un roman d’aventures uchroniques qui interroge les fondations sur lesquelles repose notre société : domination impérialiste des États-Unis, spoliation des natifs américains, politique colonialiste de la vieille Europe…

9 commentaires

  1. C’est un roman qui me tente bien mais, comme je le disais sur le blog du Nocher des livres, je pense attendre une sortie au format poche (et alors, si en plus les femmes sont transparentes ou simplement connues pour leur physique tout en courbes, ce n’est pas ça qui va me faire me jeter sur le grand format, même si l’histoire est bien!). Merci pour ton retour ^^

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    • Oui c’est un one shot qui fonctionne très bien. Plus simple à suivre au niveau intrigue ou temporalité que pour la tétralogie des origines.

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