Frontières, anthologie Imaginales 2021

Même si je ne suis pas allée aux Imaginales cette année, j’ai eu envie de lire l’anthologie comme les années précédentes. Aelinel, accompagnée de sa célèbre bibliothèque a pu se rendre à Épinal et m’a gentiment offert un exemplaire de ce livre et nous en avons fait une lecture commune. Le festival a eu lieu en octobre cette année et le thème choisi était polysémique: frontières. Les 3 genres principaux de l’imaginaire sont représentés dans l’anthologie, qui comporte 14 nouvelles réparties en 3 parties distinctes.

Explorer les frontières

La main à quatre doigts d’Estelle Faye:

Sans doute le texte que j’ai préféré dans ce livre, la nouvelle d’Estelle Faye renoue avec une ambiance qui évoque à la fois son roman Widjigo et les nouvelles fantastiques du 19ème siècle. Elle y raconte la légende de 2 contrebandiers des mers, un homme et une femme à la relation trouble. La jalousie et le désir d’un noble entrainera leur perte. L’ambiance est inquiétante, la plume très évocatrice, on s’immerge dans ce texte comme dans l’océan, avec bonheur et frissons.

La danse de Salia de Charlotte Bousquet :

Une nouvelle bien écrite mais dans laquelle j’ai eu du mal à vraiment entrer. L’ambiance est cette fois tournée vers la chaleur et le feu avec un combat vif et enflammé. L’héroïne, Salia, une adolescente, a opté pour la voie des arts et de la danse plutôt que de suivre la carrière de sa mère. Sa fuite la conduira dans une cité en flammes.

La ville, ce soir-là de Jean-Claude Dunyach :

L’auteur dépeint un univers où la mort n’est plus un mystère, elle est connue de tous les individus après 12 ans, le passage vers l’adolescence et ainsi la fin de l’enfance. La nouvelle est agréable à lire mais j’ai eu du mal à comprendre vraiment où ça allait. Elle mérite peut-être une seconde lecture pour mieux la cerner.

Le dernier royaume de Paul Beorn :

Paul Beorn signe une nouvelle de fantasy dont le personnage principal est un commis de cuisine qui va se retrouver emprisonné. Il développe soudain l’étrange faculté d’être le seul à voir certaines choses ce qui attire la convoitise des dirigeantes du royaume. L’auteur entretien le mystère et on lit le texte avec beaucoup de plaisir.

L’éthique du guerrier de Thibaud Latil-Nicolas:

Cette histoire se situe dans la même univers que Chevauche-brumes dont on retrouve avec plaisir certains des personnages. Elle peut d’ailleurs être une belle entrée en matière pour connaitre la plume de l’auteur et se lire sans connaitre la trilogie. Les hommes de la compagnie doivent défendre une frontière dans des combats épiques où il sera question de la notion d’humain et des horreurs commises à la guerre 

Exodus de Rachel Tanner:

Une nouvelle très historique évoquant la guerre de Cent ans du côté de la France. Le héros et sa famille doivent fuir l’endroit où ils vivaient, car il est attaquée par l’ennemi. Le jeune héros est très émouvant, plein de volonté malgré le destin qui le frappe.

Transgresser les frontières

Ulaanbaatar de Patrick Moran:

On change totalement de registre et de temporalité avec ce texte qui nous plonge dans un futur très inégalitaire et dans la fuite d’un homme qui essaye de s’en sortir malgré les différents obstacles qui se dressent sur son chemin. L’histoire est assez intense, mais la fin tombe un peu à plat par rapport au reste. Dans cet univers, les Occidentaux ont trouvé asile à Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie.

Cieux d’artifice d’Ariel Holzl:

Nouveau changement de genre avec un univers steampunk à la touche un peu magique. Nous sommes en 1870, l’Europe a subi une terrible guerre, deux orphelins ont trouvé refuge auprès d’une communauté itinérante, les romaniciel. Ceux-ci sont des artistes sans véritable patrie, se laissent porter par le vent et découvrent différents endroits. L’histoire suit une de leur membre musicienne. C’est beau et sombre, on se prend à rêver à cet élégant mélange de styles.

Comme un long hurlement d’acier aux frontières du réel de Johan Heliot:

Le lieutenant de Dion se fait engager volontairement sur le navire d’un capitaine qu’il admire depuis longtemps pour un long voyage vers les terres australes. La thématique de l’anthologie est bien intégrée, on trouve de multiples références tout au long du récit, mais c’est un peu confus par moments.

Les enfants prodigues de Floriane Soulas:

Une nouvelle qui se démarque beaucoup des autres, avec un univers très futuriste où il existe toujours des doctorants et des chercheurs. Les villes sont construites en hauteur avec un système de classement selon la richesse. Une jeune chercheuse a pour projet de tenter la première grossesse naturelle depuis de nombreuses années. Les naissances se passent toutes en incubateur, les femmes n’ont plus de règles et ont une vie bien différentes que celles de nos jours. La nouvelle est intéressante mais aurait mérité un plus long traitement, la fin étant un peu trop succincte.

Les frontières de pluie de Loïc Henry:

Un texte intéressant avec un joli mélange de plusieurs genres: anticipation, planet opera et légendes bretonnes. Maïna Salaün, une militaire, doit aller sur la planète Kroashent 3 afin de mener une exploration dans « les frontières de pluie ». Le texte est presque trop riche et j’ai eu un peu de mal à vraiment m’y retrouver parfois.

En finir avec les frontières

Serrez à droite de Ketty Steward:

Mei-Shan va enfin réaliser son rêve en conduisant une Peugeot 308 comme on le faisait au début du XXIème siècle. C’est alors qu’il est pris en otage par une étrange jeune femme. Je suis passée à côté de ce texte qui se situe dans le registre de l’anticipation. Le texte est très court et on sait peu de choses. C’est dommage car on sent le potentiel de l’histoire.

Pépin et les tracas d’un roi de Sylvie Miller:

Un texte de fantasy humoristique pour évoquer le brexit avec une Europe féérique, dans laquelle le royaume des nains veut quitter l’Union. Cette décision met en péril l’équilibre des différents peuples du Royaume. L’autrice évoque une réalité avec humour et dérision, le thème est bien intégré et l’ironie bien présente.

Coureur des bêtes de Raphaël Bardas:

Raphaël Bardas a la dure tache de clôturer l’anthologie et s’en tire plutôt bien. L’histoire suit Aragan, fils ainé du Roi Mercalan d’Ascalogne. Le prince rêve d’égalité et ses idéaux sont peu compatibles avec la politique. Il va se voir contraindre à renoncer au trône et devient Coureur des bêtes. On plonge facilement dans cette histoire grâce à la plume de l’auteur, bien que cela soit parfois un peu confus.

Frontière(s) est ainsi un bon cru, avec des textes variés et abordant tous les genres de l’Imaginaire. Le thème de l’anthologie est bien présent et tous les textes montrent les différents sens qu’il peut avoir. Tous les textes sont de bonne qualité, même si à part la nouvelle d’Estelle Faye aucun ne sort véritablement du lot.

Autres avis: Yuyine, Aelinel,

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Auteurs: Raphaël Bardas, Paul Beorn, Charlotte Bousquet, Jean-Claude Dunyach, Estelle Faye, Johan Heliot, LoïcHenry, Ariel Holzl, Thibaud Latil-Nicolas, Sylvie Miller, Patrick Moran, Ketty Steward, Floriane Soulas, Rachel Tanner.

Éditeur: Mnémos

Anthologiste: Stéphanie Nicot

Parution: Octobre 2021

L’anthologie des Imaginales 2021 explore de multiples frontières : celle dont on ne revient pas (« La Ville, ce soir-là », « Le Dernier Royaume »), celle qu’un feu dévorant abolit (« La Danse de Salia »), celle qui annonce la fin des explorations (« Comme un long hurlement d’acier aux frontières du réel »), ou encore celle qu’un empire replié sur lui-même interdit sous peine de mort (« Cieux d’artifice »).

Les frontières protègent parfois, au moins dans certains imaginaires, mais elles sont souvent pré­textes à conflit (« Exodus », « Pépin et les tracas d’un roi ») ; des soldats s’y affrontent (« L’Éthique du guerrier »), des rebelles les transgressent (« La Main à quatre doigts »).

Périphérique parisien devenu ligne de démarcation (« Serrez à droite »), cité post-apo ouverte à tous les trafics (« Ulaanbaatar »), naissance à haut risque dans un monde contaminé (« Les Enfants prodigues »), ou guerre incertaine sur des planètes lointaines (« Les Frontières de pluie »), bienve­nue dans le monde de demain !

Pourtant, même si l’anthologie des Imaginales reflète les angoisses du temps, la dernière nouvelle, « Coureur des bêtes », nous rappelle que nous avons le choix. Oui, il y a des alternatives !

9 commentaires

  1. J’ai survolé ta chronique parce que je le commence tout juste, je reviendrai la lire plus tard 😉 Mais je note que la plupart des textes ont l’air sympathiques à défaut de renversants.

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