La couleur tombée du ciel par Gou Tanabe

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Après avoir adapté Les Montagnes hallucinées en 2 tomes puis Dans l’abîme du temps, Gou Tanabe s’attaque cette fois à La Couleur tombée du ciel de Howard Phillips Lovecraft. On retrouve à nouveau la couverture type simili-cuir mais cette fois dans les tons de bleu. Il semblerait que cet ordre d’édition soit différent de la parution en version originale, ce texte ayant été la première adaptation historique faite par Gou Tanabe en 2015 (Les montagnes datent de 2016).

La Couleur tombée du ciel a été écrite par Lovecraft en mars 1927, et publiée dans Amazing stories en septembre de la même année. Le texte a été adapté à plusieurs reprises dont une très récente au cinéma avec Nicolas Cage dans le rôle de Nahum Gardner. Cette nouvelle est un peu à part dans l’œuvre de Lovecraft, dans la mesure où on ne voit pas de créatures tentaculaires ou de monstres indescriptibles. Le narrateur n’est pas non plus un universitaire ou un intellectuel mais un jeune architecte qui vient sur les lieux pour son travail. Néanmoins, c’est un des textes les plus empli de noirceur de l’auteur, celui où le sentiment d’inéluctabilité et de l’insignifiance de l’homme face à l’horreur cosmique est le plus fort. On ne peut rien faire face à cette couleur venue de l’espace, absolument rien à long terme.

Le récit est fidèle à celui de Lovecraft. Afin d’étudier le projet de construction d’un réservoir à l’ouest de la ville, un jeune architecte vient en visite dans la campagne environnant Arkham. Lors de sa visite, il se rend compte que les lieux sont désolés, tout est horriblement gris comme la cendre et ne semble pas naturel. Il se rend chez Ammi Pierce qui habite la région depuis très longtemps et va lui raconter ce qui s’est déroulé en 1880 chez ses voisins, la famille Gardner, lorsqu’une étrange météorite est tombée dans leur champ. L’horreur va alors peu à peu prendre le pas dans le quotidien de la famille Gardner.

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Adapter un texte comme celui-ci est foncièrement difficile pour plusieurs raisons. Une des principales est cette fameuse couleur qui n’existe pas dans notre monde, qui est en dehors du spectre visible. Comment représenter une telle couleur? Cela parait impossible et ça l’est que ce soit en couleur ou en noir et blanc. Toute l’action se déroule dans un petit village désertique dans la campagne profonde, ce n’est clairement pas un décor de rêve. Et enfin, pour moi, ce texte est clairement un des plus horrifiques qu’ait écrit Lovecraft. Il prend aux tripes, il est réellement angoissant. Faire ressortir cette angoisse n’est pas facile. Autant de raisons qui font que cette adaptation de Gou Tanabe n’est pas aussi réussie que les précédentes, elle n’en met pas plein la vue au niveau des représentations des paysages, des espaces, mais elle arrive néanmoins à créer une forme d’angoisse très palpable.

Afin de représenter cette couleur, Gou Tanabe a opté pour des formes dans des nuances de noir et blanc. C’est assez bien fait et on comprend que son origine n’est pas de notre monde assez facilement. Lovecraft voulait donner une représentation de la vie extraterrestre totalement inhumaine en écrivant cette nouvelle. Les paysages dévastés de la lande foudroyée sont bien rendus, on sent la désolation, l’oppression de cet endroit. Là où je trouve que c’est un peu moins réussi, c’est au niveau des personnages qui ont parfois une certaine tendance à se ressembler. Le jeune architecte du début ressemble fortement à Danforth dans les montagnes hallucinées. Certaines expressions sont un peu trop figées par moments également.

Par contre, Gou Tanabe a parfaitement réussi à montrer l’angoisse  et l’horreur de ce qui arrive aux Gardner. L’atmosphère horrifique ressort très bien avec la transformation des corps, des visages, de la nature, de tout ce qui est corrompu par cette couleur venue d’ailleurs. On voit très bien que les personnages ne peuvent rien faire contre cette chose, ils subissent tout le long et sont pris au piège dès le départ. L’horreur est lente et insidieuse, elle prend du temps à se mettre en place, à se montrer réellement, la folie prend le dessus. L’aspect mystérieux de la couleur, la lenteur du récit sont parfaitement conformes à la nouvelle et parviennent à instiller peu à peu la terreur.

Cette adaptation de La couleur tombée du ciel par Gou Tanabe est ainsi différente des deux précédentes adaptations dans la mesure où elle ne permet pas à l’auteur de mettre en scène des paysages particuliers ou de grands bâtiments. Elle est légèrement en deçà des autres œuvres de l’auteur, mais arrive néanmoins à saisir l’essence de l’horreur présente dans la nouvelle de Lovecraft et représente très bien cette menace abstraite et intangible.

Autres avis: Feydrautha, Les portes du multivers,Les blablas de Tachan

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Les chefs d’œuvres de Lovecraft – La Couleur tombée du ciel

Auteurs: Gou Tanabe , Howard Phillips Lovecraft

Publication : 5 Mars 2020

Édition : Ki-oon

Un projet de barrage promet d’engloutir toute une vallée reculée de la campagne américaine. Bizarrement, son dernier habitant se réjouit de voir le lieu disparaître sous les flots, en particulier la parcelle de terrain voisine… Les Gardner y ont vécu paisiblement pendant des années, jusqu’à ce que la chute d’une météorite juste devant leur maison fasse basculer leur quotidien.

Des scientifiques ont tenté d’étudier ce roc venu de l’espace, sans succès. La matière ne ressemblait à rien de connu et se distinguait par sa couleur inexistante sur Terre… Après cet événement, la faune et la flore ont commencé à s’altérer, les phénomènes étranges se sont multipliés, entraînant la famille Gardner dans une spirale de malheurs…

10 commentaires

  1. Très tentant ! Je ne savais même pas que ça existait ! En plus, La couleur tombée du ciel est un de mes textes préférés de l’auteur. En même temps, je suis d’accord avec toi, l’ambiance et cette fameuse couleur doivent vraiment être difficiles à rendre…

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  2. Comme toi, j’ai eu la sensation que l’adaptation était moins réussie que les autres. J’ai notamment trouvé le trait beaucoup trop figé pour l’histoire, alors que ça ne m’avait pas autant gêné sur les autres titres. Par contre, la nouvelle de Lovecraft est excellente et ça me donne envie de la découvrir sur son support originel !

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