La maison des feuilles – Mark Z.Danielewski

Les éditions Monsieur Toussaint L’ouverture ont décidé d’offrir une nouvelle édition remastérisée et en couleurs au célèbre roman de Mark Z.Danielewski, La Maison des feuilles. Le livre avait été publié en France en 2002 chez Denoël dans la collection Denoël & d’ailleurs. La traduction était de Christophe Claro. La Maison des feuilles est le premier roman de Mark Z.Danielewski, qui rencontra de nombreux refus éditoriaux avant que le livre soit finalement publié en 2000 chez Pantheon Books.

L’histoire du livre est en partie liée à une maison dont la taille est différente à l’intérieur et à l’extérieur avec l’apparition soudaine de plusieurs pièces. Pour l’anecdote, Lovecraft avait, dans Le Livre de Raison (sorte de collection d’idées, de notes, de suggestions pour écrire des textes), avancé un germe d’histoire autour d’une pièce fantôme dans une demeure, tantôt présente tantôt absente. Je m’en rappelle bien car cette idée m’avait marquée, et j’avais même commencé à réfléchir à une potentielle nouvelle sur ce thème, qui n’a jamais abouti. Mais c’est ce qui a motivé en grande partie ma lecture de ce roman de Mark Z.Danielewski.

Le roman raconte plusieurs histoires enchevêtrées. Tout d’abord celle de Johnny Errant, qui suite à une coïncidence va se retrouver en possession d’un dossier ayant précédemment appartenu à un dénommé Zampanò. Ce dernier était un écrivain aveugle retrouvé mort dans son appartement. Le dossier est composé de plusieurs notes racontant l’étude académique qu’a menée Zampanò concernant un film documentaire appelé The Navidson Record. Ce documentaire a été réalisé par Will Navidson, reporter photo sur la maison dans laquelle il vécut avec sa femme Karen et leurs deux enfants Chad et Daisy. Les Navidson avaient acheté cette maison en Virginie dans le but de rapprocher les deux époux dont l’union battait de l’aile. Tout allait bien au début, puis après un voyage de quelques jours, la famille s’est aperçu que la maison changeait. En effet, une porte était apparue dans la chambre parentale. Plus étrange les modifications se poursuivaient et les Navidson se rendirent compte que la maison était plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur. D’étranges couloirs apparaissaient dans la maison et Will ne pu se retenir d’aller les explorer en compagnie de plusieurs autres personnes, dont son frère Tom. Le roman raconte de manière imbriquée ce qui est arrivé au Navidson dans cette maison, l’enquête menée par Zampanò et la vie de Johnny Errand avec les conséquences que la lecture du manuscrit a sur lui.

La Maison des feuilles est un récit très particulier autant sur le fond que sur la forme. Pour le fond, c’est lié aux différentes histoires racontées en même temps, et qui présentent des intérêts assez différents. L’histoire de la maison et Navidson est clairement celle qui présente le plus d’attrait, on a envie de savoir ce qui leur arrive et comment va évoluer leur situation. Le fait que leur récit soit vu au travers d’un documentaire de type Paranormal Activity ou Le projet Blair Witch renforce l’aspect réaliste de ce qui est arrivé, mais a tendance également à éloigner le lecteur des personnages. On ressent assez peu d’empathie pour cette famille. L’histoire de Johnny Errand se fait dans les notes de bas de page, malheureusement elle souffre de longueurs. Elle se fait en écho à la narration concernant les Navidson, ce qui contribue à augmenter l’impression de labyrinthe qui est caractéristique du roman.

La forme du livre est très particulière et cela se voit dès que l’on le feuillette. Toute l’histoire des Navidson est sous la forme d’un documentaire. Ensuite, le roman est construit comme un véritable puzzle avec des récits qui se croisent, des annexes, des notes de bas de pages qui partent en tous sens. Le texte est en plusieurs couleurs, certaines pages sont presque vides, d’autres ont des encadrés au milieu, des passages que l’on peut lire seulement avec un miroir, des passages barrés…La forme du livre devient elle aussi un véritable labyrinthe que le lecteur essaye de déchiffrer. Cette construction en poupées russes pourra au choix amuser certains lecteurs ou au contraire en rebuter d’autres. Elle est remarquable à plus d’un titre, mais aussi déroutante et exigeante. La mise en page reflète les changements des différents protagonistes, l’exploration de la maison, et les changements de narration entre les personnages. Le lecteur est sans cesse surpris, autant par le fond que la forme et ne sait jamais à quoi s’attendre. Elle reflète aussi la folie qui s’empare de certains personnages ainsi que la fine frontière entre le réel et l’imaginaire au sein des différents récits.

La Maison des feuilles est ainsi un roman qui impressionne : il est original et créatif, mais également très contraignant et exigeant lors de la lecture. Les notes de bas de pages forment une histoire indépendante qui se mêle au reste du roman. La forme de l’ouvrage est remarquable et reflète l’image du labyrinthe qui est omniprésente dans les différents récits constituants le roman. Néanmoins, on a l’impression que l’auteur s’est plus concentré sur la forme que sur le fond. On se perd dans les récits (ce qui reflète encore le fameux labyrinthe) et on reste un peu sur sa faim. Le livre reste une expérience de lecture hors du commun.

Autres avis: Patate des ténèbres, Pamolico,

Auteur:Mark Z.Danielewski

Éditions:Monsieur Toussaint L’ouverture

Parution: 25/08/2022

Une maison plus grande dedans que dehors avec en son cœur une obscurité abyssale et toujours croissante, où résonne un grondement impie qui semble vouloir déchirer les murs et dévorer les rêves. Vos rêves.

Toute première édition française couleur remasterisée.

En rentrant chez eux un soir, les Navidson – Will, Karen et leurs deux enfants qui viennent à peine d’emménager en Virginie – découvrent qu’une nouvelle pièce a surgi dans leur maison… comme si elle avait toujours été là. Simple inattention ? Canular élaboré ? Mètres, plans et appareils de mesure sont réquisitionnés, et soudain l’explication la plus étrange devient la plus évidente : le foyer des Navidson est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Très vite, d’autres changements surviennent ; un mur se décale, une nouvelle porte apparaît dans le salon et derrière elle un couloir étroit et obscur. Photoreporter de renom et aventurier intrépide, Will s’y risque un soir mais, manquant de se perdre dans ce qui s’avère être un dédale immense, décide de mettre sur pied une équipe d’explorateurs chevronnés, afin d’étudier ce passage qui paraît sans fin et qui, très vite, se révèle l’être pour de bon.

Plongée dans le labyrinthe d’une maison impossible, ce roman tout en méandres cache un minotaure : au cœur de l’obscurité abyssale et toujours croissante, résonne un grondement impie qui semble vouloir déchirer les murs et dévorer les rêves.

15 commentaires

  1. Cette originalité de présentation et cette effervescence de récits ont-elles un sens, ou ne sont-elles qu’une expérience justement, un jeu dans le même état d’esprit que Georges Perec et «La disparition» ?
    Merci pour ce très bel article!

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  2. J’ai déjà eu l’occasion de feuilleter en médiathèque l’édition précédente et j’avoue que je n’ai jamais eu le courage de me plonger dans ce maelström de feuilles à la mise en page enchevêtrée, d’autant que je n’étais pas certaine d’y trouver mon compte pour ce qui est du fond proprement dit.

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