Interview Jean-Laurent Del Socorro

DEL_SOCORRO_photo_copyright_amelie_baldiniN&B.

Suite à ma lecture de Je suis fille de rage , j’ai eu envie de poser quelques questions à son auteur, Jean-Laurent Del Socorro. Je vous propose donc une interview de l’auteur que je remercie énormément d’avoir accepté cet entretien. Néanmoins, auparavant, une petite présentation s’impose:

Jean-Laurent Del Socorro publie sa première nouvelle « La Mère des mondes » en numérique aux éditions Le Bélial’. En 2015, il publie son premier roman aux Éditions Actusf, Royaume de vent et de colères. Le roman est situé à Marseille au temps des guerres de religion. Il a reçu en 2015 le prix Elbakin.net du meilleur roman de fantasy français. Son second roman, Boudicca, est la biographie onirique d’une reine celte, figure historique de la résistance anglaise en l’an I contre l’Empire romain. Le roman a fait partie des finalistes pour le Prix Imaginales des lycéens 2018 et a reçu le premier Prix Imaginales des bibliothécaires en 2018. Son dernier roman en date, Je suis fille de rage vient de paraître le 11 octobre, toujours chez ActuSf. Jean-Laurent Del Socorro est également l’auteur de plusieurs nouvelles dans différentes anthologies.

Place aux questions et réponses:

• Votre première nouvelle « La Mère des mondes » a été publiée par Le Bélial’ en 2012. Cette nouvelle s’inscrit dans l’univers du roman Points chauds (Le Bélial, 2012) de Laurent Genefort qui est un univers de SF. Pourtant vos 3 romans sont dans le registre de la fantasy historique. Pourquoi ce changement de genre ?

Ce n’est pas un changement de genre voulu et décidé. Comme beaucoup d’autres auteurs, j’ai commencé par écrire des nouvelles en répondant à des appels à texte. Cela m’a permis de m’essayer à différent style du fantastique au steampunk en passant par la fantasy. Le hasard a fait que ma première nouvelle retenue soit une de science-fiction, au Bélial. Quand je me suis décidé à écrire un roman, il était très clair pour moi que ce serait de la fantasy historique.

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• Pourra-t-on lire un jour un roman de SF signé Jean-Laurent Del Socorro ?

Peut-être. Je suis beaucoup moins à l’aise en science-fiction qu’en fantasy historique… et beaucoup moins convaincant aussi. Mes nouvelles de science-fiction sont souvent moins réussies que celles de fantasy (j’ai souvent des refus de la part des éditeurs auxquelles je les soumets). Je pense que j’ai encore à apprendre pour pouvoir produire un texte long satisfaisant sur de l’anticipation par exemple, ou de la Hard SF.

De plus, comme je ne suis pas auteur à temps plein, le temps me manque. Comme je ne veux pas arrêter d’écrire de la fantasy historique, je n’ai pas la disponibilité, pour l’instant, pour m’essayer pleinement à la SF.

• Comment en êtes vous venu à écrire un roman sur la guerre de sécession américaine ? Est-ce une période qui vous intéresse particulièrement d’un point de vue historique, ou pour une autre raison ?

Je ne sais pas vraiment. Je ne dévore pas de romans ou des textes sur la guerre de sécession, ni ne suis fanatique de cette période en particulier… Comme mes autres romans, c’est le hasard d’une rencontre.

Pour Je suis fille de rage, il est vrai que je voulais m’attaquer à cette période en particulier depuis longtemps. D’abord parce qu’elle était propice à traiter mes thèmes de prédilections (liberté, lutte contre l’esclavage, etc.). Ensuite, parce qu’elle est peu traitée en imaginaire.

• Comment s’est déroulé le travail de recherches historiques pour Je suis fille de rage ?

J’ai commencé par de longues lectures d’essais sur la Guerre civile américaine, en français aussi bien qu’en anglais. J’ai poursuivi avec des documentaires en vidéo. J’ai approfondi avec des achats complémentaires au fur et à mesure que le projet prenait corps, en parallèle du démarrage de l’écriture.

Par exemple, j’ai vite décidé de mettre dans le roman des extraits des vrais échanges épistolaires des généraux Grant et Lee. Du coup, j’ai du me plonger dans des centaines de leurs lettres pour les choisir, les intégrer et les traduire. Autre exemple : le général Sherman était un personnage secondaire du récit au départ. Quand il a été clair qu’il devenait central, j’ai acheté sa biographie complète pour connaître en détail son histoire.

J’ai aussi eu la chance d’aller aux États-Unis pendant l’écriture du livre. J’y ai trouvé de nouvelles ressources sur pace. Enfin, j’ai bénéficié du regard expert de Bertrand Campeis, qui m’a fait l’amitié d’être relecteur de mon premier manuscrit pour valider/invalider les éléments historiques que je mettais en avant.

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• Dans chacun des 3 romans, les personnages sont toujours émouvants et très humains. Comment élaborez-vous vos personnages ? Votre pratique du jeu de rôle est-il un atout pour élaborer des protagonistes aussi réussis ?

Merci. Je pense que, davantage que le jeu de rôle, c’est mes années de conservatoire de théâtre qui m’aide à trouver chaque personnage. J’écris à la première personne, donc j’incarne peu à peu chaque protagoniste. Il y a vraiment une voix, une oralité, que je cherche et qui s’impose pour chacun d’entre eux.

Je m’attache à parler des petites choses de la vie. Je n’ai pas de héros dans mes romans, mais de gens du quotidien. Je pense que les lecteurs s’identifient facilement à eux et c’est peut-être pour ça que ça les touche. J’évoque les conflits familiaux, la question de survie, la lâcheté face au danger, la honte de ses actes, le courage individuel… Etc. Ce sont des questions universelles et atemporelles que j’essaye d’évoquer à travers mes personnages.

• Le rôle de la Mort dans Je suis fille de rage montre l’horreur du conflit mais aussi la conscience de Lincoln pour le faire évoluer dans ses idées sur la fin de l’esclavage. Comment vous est venue l’idée de créer ce duo ?

L’idée était là dès le départ de l’écriture. Je voulais, comme pour mes autres romans, une part de surnaturelle très discrète. Elle a pris la forme d’un seul personnage dans Je suis fille de rage, celle de cette mort asexuée, habillée comme un général, à l’uniforme immaculé. Je me suis inspiré directement de la mort dans le film « Le Septième sceau » d’Ingmar Bergman, où un chevalier entame une partie d’échec avec la faucheuse tout en devisant avec elle sur le sens de la vie.

• Le roman mélange personnages historiques et imaginaires et ainsi Histoire et histoires imaginées. Pourquoi ce choix ? Pourquoi pas seulement un récit autour d’anonymes ou de personnages historiques seulement ?

Difficile d’évoquer une période historique sans aborder ses grandes figures. Les généraux et des politiques de l’époque se sont naturellement imposés au fil de l’écriture. Mais ces personnalités ne suffisaient pas à aborder tout les thèmes que je voulais évoquer.

Mais si les personnages réels parlent de la grande histoire, mes personnages de fiction, eux, évoquent la petite. Celle plus personnelle des millions de gens qui ont vécu la guerre sur le front ou dans la vie civile. De plus, les personnages historiques sont essentiellement masculins. Je suis très attaché à la parité dans mes romans et, plus globalement, à la représentativité la plus large de mes personnages pour mes lecteurs. C’est ainsi que sont nées Caroline, la fille de rage, mais aussi Minuit, l’affranchie noire qui s’engage dans les armées du nord, etc.

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• J’ai été étonnée par l’importance des personnages féminins dans votre dernier livre, y a t’il vraiment eu des femmes dans l’armée américaine à cette époque ?

Non, il n’y en avait pas autant. C’est ma volonté de montrer autant d’hommes que de femmes dans mes personnages. Je suis très militant sur ce sujet dans Je suis fille de rage comme dans mes précédents romans. Et si cela interpelle certains lecteurs au départ, au final, ils réalisent ensuite vite que, l’important, c’est bel et bien d’évoquer des trajectoires intimes et personnelles.

• Le thème de la révolte est central dans vos trois livres, pourquoi placez-vous vos héros au centre d’événements de ce type ?

Je choisis des périodes de conflits car ce sont des moments charnières. S’il y a révolte, insurrection… C’est qu’il y a une question majeure qui est en train d’être soulevée : celle de l’abolition de l’esclavage dans  Je suis fille de rage ; celle de la résistance face à l’oppression dans  Boudicca.

D’autres périodes historiques, moins tourmentées, évoquent aussi des thématiques fortes. Cependant, ces enjeux ne sont jamais aussi saillants que dans les moment de conflit, malheureusement.

• Pouvez-vous nous parler de vos projets à venir ?

Je vais sortir des romans d’une série jeunesse : Les Chevaliers de la raclette. Ils sont coécrits avec Nadia Coste. Les deux premiers titres, « Le Château en flamme » et « La Montagne brisée », sortiront début février 2020. Ce sont les d’aventure d’une bande de six jeunes à travers la Savoie… Mais aussi à travers le temps !

En mai, je sortirai une novella dans l’univers de Royaume de vent et de colères : « La Guerre des trois rois ». On y suivra la compagnie du chariot, des lansquenets mercenaires qui seront au centre des intrigues entre Henri III, le duc de Guise et Henri de Navarre. On en découvrira un peu plus sur l’Artbon, cette pierre mystérieuse qui génère la magie délétère de l’univers de  Royaume de vent et de colères. Cerise sur le gâteau, « La Guerre des trois rois » bénéficiera d’illustrations en couleur et en noir et blanc du talentueux Marc Simonetti. Ce titre inaugure la nouvelle collection Graphic des éditions ActuSF et sortira en même temps qu’une novella d’Alan Moore : « L’Hypothèse du lézard », illustrée par Cindy Canévet.

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14 commentaires

  1. Intéressante interview, merci à vous deux !
    Je ne sais pas si Jean-Laurent Del Socorro fait de la science-fiction de moindre qualité, mais « La Mère des mondes » c’était très bien. Enfin, la fantasy historique ça me va parfaitement, et je crois que ça va à de nombreuses personnes. ^^

    Aimé par 1 personne

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