Les étoiles sont légion fait partie de la deuxième vague de sorties des éditions Albin Michel Imaginaire. Le roman paraitra le 31 octobre. Kameron Hurley est une autrice américaine et c’est son premier roman traduit en France. Elle a aussi écrit la trilogie Worldbreaker et la saga Bel Dame Apocrypha. Elle a été finaliste du prix Hugo pour son essai : The geek feminist revolution.
Albin Michel Imaginaire présente ce roman comme étant un space opera féministe, le livre ayant la particularité d’avoir uniquement des personnages féminins. J’avoue que ce roman m’a laissée perplexe pour plusieurs raisons, la première étant que je n’ai pas reconnu la description de l’éditeur à ma lecture. Le côté space opera est léger et pareil pour le côté féministe. Il n’y a que des femmes certes, mais pour la très grande majorité elles sont victimes et subissent leur sort. Le fait qu’il n’y ait que des femmes ne change pas vraiment la donne. Et j’avoue ne pas avoir trop compris pourquoi les femmes sont autant victimes, seules les deux personnages principaux tentent quelque chose pour changer leur sort, les autres subissent plutôt passivement.
La seconde raison est le manque d’explications sur certains points, une impression que l’auteure commence certaines choses sans aller au bout. Le début nous balance dans l’univers sans parachute, après on arrive à s’y faire mais un peu tardivement. Cependant, j’ai eu du mal à entrer dans le récit et je ne sais toujours pas quoi penser de ce livre. Beaucoup de choses dans le roman font réfléchir et ceci même après la lecture, ce qui est une bonne chose. Mais, j’ai le sentiment de ne pas comprendre certains choix de l’autrice par rapport à ce qu’elle désirait faire avec ce roman.
Le roman se passe sur des vaisseaux-mondes organiques, sur lesquels tout est recyclé, absolument tout. Ces vaisseaux forment la ceinture extérieure et se trouvent autour d’une étoile, l’ensemble formant la Légion. Dans ces vaisseaux, deux clans se font la guerre: les Katazyrna et les Bhavaja. L’objet de ce conflit est la possession de la Mokshi, monde à part qui semble avoir des capacités inconnues des deux autres. L’aspect organique est poussé très loin par l’auteure, à un point presque écœurant par moments. Les vaisseaux mondes sont le centre de tout, tout vit et meurt pour eux. Ce qui donne une succession de scènes explicites poussant la thématique vers le gore. Tout est recyclé, même les humains, la matière organique étant rare. Cependant, la maladie n’épargne pas les vaisseaux mondes qui sont victimes d’un cancer.
Le roman est raconté à la première personne par deux personnages différents en alternance: Zan et Jayd. Toutes les deux ont une grande importance dans les vaisseaux. Au début du récit, Zan est amnésique suite à une attaque contre la Mokshi. Jayd et Zan semblent avoir une relation étrange, fondée sur la manipulation et leur désir de changer le cours des choses. La relation entre les deux femmes est au cœur de l’intrigue, tout comme le rôle des Seigneures des vaisseaux mondes. Ces deux personnages sont des femmes fortes à la personnalité intéressante et complexe, elles sont attachantes, surtout Zan qui est confrontée à la perte de son identité et de ses souvenirs, de ce qu’elle est par rapport à ce qu’elle pense être quand ses souvenirs refont surface.
Les vaisseaux mondes font penser à des colonies d’insectes de types fourmilières, dans lesquelles la reine serait l’élément central. Les diverses femmes sont des ouvrières travaillant pour le bien-être du vaisseau en produisant tout ce dont le vaisseau a besoin, y compris avec leurs corps, en donnant la vie à ce que le vaisseau désire. Une reine les dirige appelée Mère, et peut faire tout ce qu’elle veut. Tout le côté organique du roman renforce cette impression, tout comme la seconde partie du roman avec la remontée en apnée de Zan.
Les étoiles sont légion est donc un roman étrange, clivant et inhabituel. Son univers et son ambiance sont particuliers, on peut aimer ou alors passer à côté. L’univers est original et bien construit, les thématiques également, ce qui en fait un roman intéressant. Pourtant, le roman me laisse un goût amer (peut-être lié à cet aspect organique) et je ne sais toujours pas vraiment quoi en penser.
Autres avis: Blackwolf, Tigger Lilly, FeydRautha, Apophis, Yogo, Gromovar
Auteure: Kameron Hurley
Éditeur : Albin Michel
Parution: 31/10/2018
Traducteur: Gilles Goullet
Quelque part aux franges de l’univers, une armada de vaisseaux-mondes organiques, connue sous le nom de Légion, glisse lentement dans le vide sidéral. Depuis des décennies, ses différentes factions se battent pour mettre la main sur la Mokshi, le seul vaisseau capable de quitter l’armada condamnée.
La guerrière Zan se réveille sans souvenirs, prisonnière d’un peuple qui prétend être sa famille. On lui assure qu’elle est leur ultime chance de survie, l’unique personne capable de s’emparer de la Mokshi. Pour éviter un massacre, Zan va devoir choisir son camp. Mais comment choisir, quand vous commencez à suspecter que votre mémoire a été volontairement détruite ?
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Eh bien je trouve que tu as très bien réussi à faire passer ton sentiment sur le bouquin, sentiment avec lequel je suis en accord. Très bonne critique ! (et l’analogie avec la colonie de fourmis est plutôt bien vue, je trouve).
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Merci. J’ai eu du mal pourtant et j’ai mis du temps à l’écrire. Pour la colonie de fourmis, j’y ai pensé assez vite et la couverture a évoqué cette image pour moi. Je ne sais pas si c’était voulu par Manchu. D’autant plus que je trouve la couverture française beaucoup mieux que l’originale.
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C’est clair, la couverture originale est passe-partout et aurait pu être appliquée à n’importe quel autre bouquin de SF ou quasiment. Avec celle de Manchu, au moins, on a un vrai reflet du caractère organique de l’univers.
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Tout à fait d’accord 🙂
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[…] de Blackwolf sur Blog-o-livre (sur la VO), de Gromovar (VO), d’Alias (VO), de Yogo, de Célindanaé sur Au Pays des Cave […]
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Effectivement, je trouve qu’il peut être vachement clivant !
Super chronique en tout cas ! 🙂
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Merci 🙂
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Je partage ton avis, et je suis passé à côté de ce roman.
Concernant le fait que les femmes sont victimes et subissent leur sort, j’ai interprété cela comme une allégorie de notre société. Leurs vaisseaux mondes pouvant être les hommes et la société, qui régissent la maternité de la femme. Après, c’est juste une interprétation qui en vaux d’autre…
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Je suis assez d’accord avec ton interprétation sur les vaisseaux et le fait que les femmes subissent dans le roman comme dans notre société. Mais ce qui me gène c’est le fait que ce soit classé roman féministe, alors que à part les 2 héroïnes, les autres ne font rien pour changer leur destin, contrairement au mouvement féministe.
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Je comprends peut-être mal tes propos, mais en quoi « Il n’y a que des femmes certes, mais pour la très grande majorité elles sont victimes et subissent leur sort. » va potentiellement à l’encontre du féminisme ?
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Pour moi, le féminisme implique la notion de combat, de lutte pour améliorer une situation. Dans le roman, les femmes en majorité subissent et donc ne luttent pas. Est ce plus clair?
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Tout comme toi, je m’attendais à un « vrai » Space-Opera et donc j’ai été déçu de ce côté. Sinon l’univers est riche, intéressant, surprenant et un poil dégoulinant mais bien sympa.
Je pense quand même qu’il devrait plaire à la majorité des lecteurs.
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Une chose est sure les avis sont assez partagés sur ce roman. C’est surtout la seconde partie qui m’a sorti de l’histoire mais pas pour les mêmes raisons que toi je pense.
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Aïe! J’étais un peu intriguée par la chronique d’Apo mais là j’avoue que je n’ai plus du tout envie de le découvrir. Les aspects rédhibitoires pour toi le seront aussi pour moi.
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Tu peux aller voir d’autres chroniques (celle de Tigger Lilly est très positive) pour compléter. Mais c’est vrai qu’Apophis et moi avons un peu le même sentiment sur ce roman.
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Justement, j’ai des goûts très proches des vôtres, donc…
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Oui je te comprends 🙂
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Ce livre semble très intéressant même si l’idée de ces vaisseaux organiques ne date pas d’hier.
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Il est intéressant en effet.
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Il me tentait beaucoup moins celui-là et ton ressenti ne fait que confirmer qu’il n’était pas pour moi. Merci pour cette chronique éclairante 😉
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Je ne pense pas en effet que tu apprécierais mais on sait jamais 😉
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Je suis curieuse d’y jeter un oeil, si je trouve le temps de me pencher dessus…
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Décidément les chroniques se suivent et me laisse très perplexes sur ce livre… Très intéressante chronique en tout cas 😉 Il est dans ma PAL, je verrais bien avec quel ressenti je sors de cette lecture qui a l’air pour le moins étrange…
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Il me tarde de savoir ce que tu en auras pensé en tout cas!
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On qualifie n’importe quoi de « féminisme » (j’aime pas ce mot d’ailleurs xD) c’est quand même triste que chez un aussi grand éditeur il y ait des amalgames pareils. Enfin ta chronique était vraiment intéressante à lire 🙂
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Le qualificatif de féministe vient de l’éditeur américain je crois et de l’auteure il me semble qui a dit vouloir écrire un roman avec exclusivement des femmes. Merci 🙂
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Et aussi de Gilles Dumay, l’éditeur français, qui le défend complètement comme un roman féministe. Je ne doute pas qu’il viendra d’ailleurs ici tôt ou tard l’expliquer, il rôde partout. =P
Mais si je peux me permettre, je ne vois pas pourquoi ce livre ne serait pas féministe (mot que je n’aime pas non plus, soit dit en passant). Je généralise au-delà de ce livre, mais pourquoi le féminisme ne montrerait des femmes que sous leurs « meilleurs » aspects ? Le féminisme, ça tend à l’égalité homme/femme, non ? Et bien voilà : il y a des femmes fortes, des femmes faibles, des femmes gentilles, des femmes méchantes, … Ça c’est féministe : il n’y a pas de distinction, les femmes peuvent jouer tous les rôles, à égalité avec les hommes.
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C’est vrai ton discours se tient. Ceci dit pour l’égalité pas trop, vu qu’il n’y a pas d’homme dans le roman. Mais j’ai tout de même eu une impression que très peu étaient réellement fortes dans le roman. Vaste débat c’est certain.
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Mince j’avais pas vu tous les commentaires depuis mon GSM 😅 Je n’aime pas le terme féminisme de base, mais en général il ne connote pas ce qui est relevé dans la chronique. À mon sens, un roman avec des personnages majoritairement féminin n’est pas « féministe » je pense que ce terme est trop idéologiquement engagé pour convenir dans ce cas ci. Il aurait fallu l’appeler autrement parce que ça donne une fausse idée de ce qu’on y trouve. Mais je n’ai pas lu le roman, je donne juste un ressenti qui me vient à la lecture de la chronique 🙂
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Oui mais du coup je crois qu’ils ont un petit souci avec la définition du mot :p
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C’est un vaste sujet c’est certain. Je ne sais pas si tu liras le roman ou pas mais pour moi il ne suffit pas de ne mettre que des femmes pour que ce soit féministe. Mais c’est vrai que le roman démontre pas mal de problèmes des femmes actuellement.
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My 2 cents sur la question : le truc c’est que la guerre et le métier de soldat sont le plus souvent attribués au genre masculin. Alors que dans l’Histoire les femmes ont pris les armes dans de nombreux conflits. On a minoré voire invisibilisé leur rôle : on a parle pas ou peu. Je pense que K. Hurley a, via ce livre, a voulu rendre aux femmes cette visibilité. Pour ce faire, toujours une hypothèse de ma part que je base sur un texte écrit par l’autrice (http://aidanmoher.com/blog/featured-article/2013/05/we-have-always-fought-challenging-the-women-cattle-and-slaves-narrative-by-kameron-hurley/), elle a retiré les hommes de l’équation pour qu’il n’y ait pas de comparaison entre les 2 genres.
Les femmes de ce bouquin sont des bourrines qui tapent dans le tas. Parce qu’on leur en a donné l’ordre, en effet mais c’est le propre de la guerre en somme, et le livre n’est pas exempt de rapport de domination, comme dans la vraie guerre, ni de rébellion d’ailleurs vu qu’à la fin des membres d’une faction se retournent contre elle pour prendre les armes avec la faction 2 (sans compter les 2 personnages principaux et leurs adjuvantes) ; l’autrice a juste éliminé le rapport de domination homme/femme de l’équation.
Après il y aurait une analyse intéressante à faire sur le côté organique du bouquin qui rend cette « passivité » (c’est à mon sens plus compliqué que ça) explicable : un organisme vivant est constitué de cellules dont chacune à un rôle à jouer et est bazardée quand elle ne le remplit plus.
Célindanaé, merci pour le lien par ailleurs 🙂
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Pour le côté bourrin, elles ne le sont pas toutes, c’est surtout Zan. Et pendant le passage dans les tréfonds du monde, les femmes croisées ne sont pas très combattantes. Mais j’aime beaucoup ton analyse et j’ai beaucoup aimé ta chronique sur le livre très détaillée et complète. J’aurai aimé ressentir la même chose pour le roman.
Et de rien pour le lien, c’est normal 🙂
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BOn, te dire que je n’avance pas dessus, tu comprendras, non ?…
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Il me tarde tout de même de savoir ce que tu en auras pensé mais oui je comprends.
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[…] aller plus loin, vous pouvez lire les chroniques d’Apophis, de Feydrautha, de Célindanaé, de Tigger Lilly sur la VF, et ceux de Blackwolf, de Gromovar, de Yogo, et d’Alias sur la […]
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