
Gagner la guerre fait partie des incontournables de la littérature de l’Imaginaire française, et son auteur Jean-Philippe Jaworski revient enfin dans son univers du Vieux royaume en nous proposant une trilogie originale, Le Chevalier aux épines, dont les deux premiers tomes sont sortis en 2023 aux moutons électriques, et le troisième tome vient de sortir. L’auteur aime son univers, il l’a propulsé sur le devant de la scène avec son premier recueil de nouvelles Janua Vera, puis avec Le sentiment du fer.
Ce premier tome démarre dans un territoire un peu éloigné de Ciudala, le duché de Bromaël, de l’ancien royaume de Léomance. Le chevalier Aedan de Vaumacel règle un duel judiciaire avec le chevalier de Quéant, et se retrouve à enquêter sur la disparition mystérieuse de jeunes enfants de paysans, littéralement envolé dans la nature sans trace de violence. Durant son enquête il est présenté au seigneur du Treff et confronté à plusieurs chevalier fidèles à l’ex-duchesse Audéarde de Bromaël, et un chevalier qui n’est autre que le fils de cette noble répudiée, laquelle a été accusé d’adultère avec Vaumacel, et pour laquelle il n’a pas voulu la défendre… Les chevaliers présents, lui proposent pour se racheter de se joindre à leur groupe lors d’un tournoi visant à montrer leur attachement à la duchesse répudiée et leur hostilité à la nouvelle femme du duc, qui se trouve être Clarissima Ducatore, fille du personnage le plus puissant de Ciudala.
Alors que le roman débute dans une ambiance apaisée, une certaine langueur associée à la campagne en fin d’hiver, on se retrouve projeté dans une lutte pour la succession et l’honneur assez rapidement. Le récit de l’enquête laisse ainsi sa place à une lutte politique dont Jean-Philippe Jaworski arrive à tisser une grande quantité de ressorts : la politique dans ce semblant de moyen-age féodal est complexe, avec un poids très important de l’histoire, des actes, et de la parole donnée. La félonie semble absente du livre, on est plus dans du chevaleresque ultra-classique, parfois presque policé… jusqu’à ce que commence le tournoi.
Autant le dire de suite, j’ai beaucoup aimé ce livre qui reprend tout ce que j’apprécie chez l’auteur : une intrigue bien ficelée, une multitude de protagonistes crédibles, des scènes ultra réalistes et des descriptions détaillées. Certaines scènes dans la nature dans la première partie du roman sont un peu lentes, géographiquement très détaillées, mais c’est pour mieux accélérer quand le drame se joue. L’écriture de Jean-Philippe Jaworski est toujours aussi agréable, dans une langue travaillée, avec un vocabulaire d’une grande richesse : je vous conseille de réviser vos termes sur les armures, armes, et châteaux pour ne pas trop perdre le fil dans les scènes de combat.
L’imaginaire du livre se situe avant tout dans le ressenti, dans les choses qui se tapissent dans l’ombre de ces paysages montagneux, dans les ruines lugubres, dans les anciens temples. Quelques éléments de magie claire interviennent aussi à la fin du livre. Le mystère plane aussi sur le narrateur, personnage dont on sent qu’il a baigné dans l’intrigue, mais que l’on ne situe pas encore bien à la fin du livre. Ce narrateur semble vivre dans un lieu singulier, étrange, et semble avoir des sens ou alliés surnaturels.
Les personnages sont nombreux, de même que les notions de géographie des lieux. Il vaut mieux avoir déjà lu Janua Vera ou Le sentiment du fer pour profiter pleinement de ce tome (attention pour le deuxième tome que je suis en train de lire, il me semble indispensable d’avoir lu Gagner la guerre…), et resituer quelques protagonistes. On croit reconnaître au détour d’une description le personnage central de Gagner la guerre… mais j’en dit trop ! Les chevaliers sont très … chevaleresques : il parlent posément et de façon argumentée, ils défendent la dame et l’opprimé, et ne tirent pas l’épée à n’importe quelle occasion. Ce sont des chevaliers « opposite game of throne », soit une version idéalisée, une version histoire de France courtoise du chevalier. Les femmes ont une place centrale, pas seulement dans celui de la princesse docile, ce sont même plutôt elles qui semblent tisser les intrigues, laissant les basses besognes aux hommes.
En conclusion, Le chevalier aux épines est à nouveau une franche réussite de Jean-Philippe Jaworski. L’auteur nous replonge dans son univers du vieux royaume, dans une ambiance de chevalerie au sens noble du terme. Il immerge le lecteur dans un système médiéval classique, mais où petit à petit les germes d’intrigues alambiquées se développent. A suivre dans le second tome, qui décrit le même fait marquant, mais sous un autre angle… Miam !
Autres avis: Boudicca (le bibliocosme), just a word,

Auteur: Jean-Philippe Jaworski
Éditions: Les Moutons électriques
Parution: 18/01/2023
Ce roman, très attendu, constitue un événement sans précédent dans un domaine qui connaît peu de best-sellers. D’une longueur également exceptionnelle, ce roman a été divisé par l’auteur en trois tomes : Le tournoi des preux (janvier 2023), Le conte de l’assassin (juin 2023) et Le débat des dames (janvier 2024).
Ce roman bâti un monument remarquable de fantasy chevaleresque, avec tout autant des tournois minutieusement restitués que de vrais moments de féerie et de magie, des morceaux de bravoure, un suspense remarquable et une ligne narrative incroyablement originale, qui rappelle pourquoi Jaworski est le roi de la fantasy francophone : sa couronne ne sera pas contestée.
Le premier tome suit le chevalier Aedan (héros de la nouvelle Le service des dames), un personnage mystérieux et un narrateur tout aussi mystérieux. Le deuxième tome retrouve Benvenuto Gesufal (protagoniste de Mauvaise donne et Gagner la guerre), qu’attendent tous les lecteurs. Le troisième tome conclue l’ensemble des fils narratifs.
❤
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Merci pour ton avis, j’attendais la sortie poche pour me lancer mais j’ai hâte de retrouver les personnages et l’univers du Vieux Royaume !
Quand tu dis que c’est bien d’avoir lu Le Sentiment du fer et Janua Vera tu parles seulement des nouvelles éponymes ? Ou ca vaut le coup de relire tout le recueil ?
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En fait si les noms sont encore suffisamment frais dans la tête cela peut suffire. Cela permet d’avoir des éléments d’histoire ou de politique, de connaitre les noms. Bien entendu il n’est pas nécessaire d’avoir lu les deux recueils, mais pour moi c’était un plus indéniable. Pour le tome 2 avoir lu Gagner la guerre me semble indispensable pour tout apprécier maintenant que je l’ai terminé…
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