Ars Obscura – François Baranger

Je connaissais jusqu’à présent François Baranger illustrateur grâce à ses magistrales adaptations visuelles des grands textes de Lovecraft (Les Montagnes Hallucinées, l’Appel de Cthulhu et l’Abomination de Dunwiitch) mais pas encore le François Baranger romancier. La période où se déroule le roman m’a intrigué et je me suis laissé tenter par Ars Obscura tome 1 Sorcier d’Empire publié chez Denoël dans la collection Lunes d’encre en mars. Ce roman est le premier tome d’une quadrilogie de dark fantasy, uchronie dans une ambiance premier Empire français alternatif.

Nous sommes en 1815, date dévaforablement décisive pour le Premier Empire d’après nos cours d’histoire. Pourtant ici les choses sont bien différentes et l’Empire est à un stade qui semble être son apogée. Napoléon a vaincu l’ensemble des pays d’Europe, y compris l’Angleterre, qui est occupée par les français (shocking !), mais la Russie se dresse encore contre la France. Pour réaliser toutes ses conquêtes, Napoléon a reçu l’aide précieuse d’un mystérieux sorcier appelé Élégast, rencontré lors de la campagne d’Egypte. Il a défait les ennemis de la France avec des sortilèges et autres processus magiques. Malheureusement, cette magie semble liée à un étrange phénomène non expliqué, les résurgences, qui ont commencé à frapper les terres de l’empire. Véritables bulles de magie noire vomissant son lot de créatures d’un autre monde, ces choses causent le malheur des populations. Malgré la puissance et la prospérité de l’empire, le mécontentement et la peur sont permanents dans la population.

L’auteur pose d’emblée une histoire avec une ambiance pesante et assez noire. Les personnages, les desseins des conspirateurs, le manque de compassion et d’empathie des personnages, souvent des militaires, font tout pour poser une atmosphère glauque. Même le climat s’en mêle régulièrement, avec de nombreuses scènes sous la pluie ou dans une froideur importante.

François Baranger a opté pour une narration chorale avec un nombre de protagonistes plutôt important. Le début est assez rythmé avec des chapitres courts qui nous font découvrir les enjeux du livre. Il y a d’une part un groupe d’officiers de l’armée impériale et autres administrateurs bien décidés à limiter l’influence d’Élégast auprès de l’empereur (potentiellement décidés à l’éliminer) et d’autre part la quête de réponses de 2 protagonistes bien singuliers, Ethelinde et Ludwig, et la traque des hommes d’Élégast pour les retrouver, et enfin les manigances secrètes et magiques des Russes pour contrer l’empereur.

Le récit se focalise sur deux personnages principaux, Ethelinde et Ludwig, que l’on va apprendre à connaître tout au long du roman. Elle est une scientifique de l’art obscur, et cherche à comprendre les choses. Élevée par son père disparu mystérieusement en Égypte pendant la campagne de Bonaparte, elle mène des recherches pour élucider ce mystère et venger la mort de son père. Ludwig est une force de la nature, personnage inquiétant car il a été marqué physiquement par une résurgence. Il est capable de produire des phénomènes magiques, et sauve Ethelinde des hommes d’Élégast au début du roman. A eux deux, ils vont mener des recherches sur leur passé, tout en essayant d’échapper à la garde Hermétique (l’armée particulière d’Élégast). La relation entre eux évolue nettement, et on sent bien qu’elle va certainement aller plus loin dans les tomes suivants.

De nombreux autres protagonistes gravitent autour d’eux. L’auteur arrive à leur donner une cohérence et des caractéristiques intéressantes. Peu de personnages sont vraiment caricaturaux ou trop superficiels, hormis les Russes qui fomentent un projet magique monstrueux et sont présents en France par le biais de leur espionne Irina (qui ressemble plus à une méchante James Bond Girl qu’à une personnage de fantasy).

Les membres de la garde hermétique agissent au nom d’Élégast, et on les craint d’emblée, car ils semblent exercer un contre-pouvoir impitoyable dans l’empire. Armés du meilleur matériel et agissant en toute impunité, cette armée secrète se présente comme un contre-pouvoir important dans l’Empire. Ravegeac, fidèle lieutenant de Élégast, est un personnage qui m’a beaucoup intéressé. Les conspirateurs de l’armée régulière sont aussi bien crédibles, cherchant à redonner à l’armée sa gloire passée.

L’histoire est prenante, on suit avec attention la traque et les complots dans cette France assez misérable malgré sa domination territoriale. Le style de François Baranger est direct, et les chapitres courts, ce qui facilite l’immersion et l’envie d’avancer dans la lecture. Le livre n’échappe pas à quelques facilités, et les surprises ne sont pas nombreuses, mais il ne s’agit que d’un premier tome. J’ai noté aussi un certain nombre de clins d’œil sympathiques à la culture pop.

Le livre est donc une bonne lecture, un contenu crédible et intelligent, avec des personnages attachants et des méchants diaboliques. Cela reste assez classique, mais pour un tome d’introduction on n’a qu’une envie, celle de se replonger dans cette histoire d’ici quelques mois, les suites étant prévues tous les 6 mois.

Autres avis: Boudicca, Dup,

Auteur: François Baranger

Éditions: Denoël collection Lunes d’encre

Parution: 15/03/2023

1815. Napoléon Ier a conquis l’Europe grâce aux pouvoirs d’Élégast, un sorcier dont nul ne sait rien et qui est le seul capable de pratiquer l’Art Obscur : une forme de magie aussi puissante que terrifiante.
En dépit de la force militaire de la France, la population vit dans la crainte des bulles noires, ces manifestations surnaturelles violentes qui engloutissent les gens et libèrent des hordes de monstres semant la mort dans les campagnes.
Ludwig Arcerese, un mercenaire qui a tout oublié de son passé, s’est spécialisé dans la traque de ces créatures. Lorsqu’il croise la route d’Éthelinde Ordant, une étrange naturaliste recherchée par toutes les polices de l’Empire, celle-ci ne peut que constater l’impossible: Ludwig sait lui aussi faire appel aux forces de l’Art Obscur. Les deux marginaux vont unir leurs efforts afin de comprendre qui est cet effrayant sorcier, et quels sont ses noirs desseins.
Antique confrérie de mages, espions à la solde de l’étranger, mystérieuses entités ésotériques, comploteurs travaillant à la chute de l’Empereur, secte russe d’adorateurs d’un dieu sanguinaire… Chacun joue son rôle dans ce récit épique, les uns pour empêcher le monde de sombrer dans les ténèbres, les autres pour l’y plonger.

8 commentaires

  1. Je suis un grand fan de l’Empereur depuis tout petit. Ce livre, pour son cadre et son auteur m’attire énormément, nénamoins je me connais, si l’histoire impériale est écornée (genre des personnages historiques réels dont on dit n’importe quoi) ça va me sortir du récit. Ça avait été le cas avec le Secret napoléon de Steve Berry qui prenait pour cadre de départ la campagne d’Egypte aussi. Au bout de 30 pages, il y avait une scène avec Bonaparte, et clairement l’auteur n’avait pas saisi qui il était, son attitude, son discours n’était pas celui de l’homme mais plutôt d’un Bonaparte fantasmé par un américain qui n’y connais rien à l’histoire européenne.
    Bon ici c’est François Baranger, j’adore cet artiste, et pour le découvrir en tant qu’auteur ça à l’air emballant en tout cas si on suit ton avis.
    Merci de ton retour !
    Onos
    PS: je crois que sur la photo du magazine Napoléonien proposé pour illustré ton artcile (mais je n’en vois qu’une partie) il s’agit de la mort du Maréchal Lannes à Essling, je reconnais nettement le Maréchal Bessières, gascon aussi, qui lui tient la main, et l’agonisant ressemble pas mal à ce pauvre Jean Lannes.

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    • Merci pour ton retour.
      Tu risques d’avoir une lecture plus critique que moi. L’empire m’est familier, mais je ne suis pas du tout un spécialiste. Par contre je m’intéresse aux batailles et à la stratégie de Napoléon depuis tout petit et mon visionnage du film Austerlitz.
      Point de bataille dans le livre, mais une forte présence des militaires.
      A mon avis il te faut le lire pour te faire un avis, et je suis curieux de le découvrir.
      Pour le tableau il s’agit d’un détail de la Bataille de la Moskova par Lejeune. Le personnage agonisant est le fils du Général de Lariboisière. Le détail de la mort de Lannes ressemble pas mal au niveau des couleurs.

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    • Merci pour ton retour. A priori la série devrait être bien suivie, le deuxième tome est annoncé pour la rentrée, et les suivants à peu près à 6 mois d’intervalle.

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