Lovecraft Country – Matt Ruff

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Lovecraft country est un roman de Matt Ruff paru en 2016 aux USA et fin mars en France chez Les Presses de la cité. La couverture du roman est restée inchangée et correspond bien au roman qui parle des déboires d’une famille afro-américaine dans les années 50 dans une Amérique ségrégationniste. Le roman va faire l’objet d’une adaptation en série télévisée par HBO d’ici 2020.

Lovecraft country n’est pas vraiment un roman mais un recueil de nouvelles reliées par leurs personnages, univers et formant une histoire générale. Chaque texte s’intéresse à un personnage en particulier d’une famille afro-américaine, les Turner, vivant aux États-Unis dans les années 50. Cette narration permet aux personnages de se retrouver sur le devant de la scène le temps d’une histoire et donne également un aspect choral au récit.

Le monde présenté est très proche du notre avec une Amérique marqué par le racisme, un pays où il est très difficile pour les personnes noires de vivre et de voyager. L’auteur s’attache à montrer le climat des États-Unis à cette période en prenant pour personnages principaux des afro-américains vivant à Chicago. Le racisme est ainsi omniprésent dans tout le roman. Mais me diriez vous quel est le rapport avec Lovecraft que l’on retrouve dans le titre? Ici pas de tentacules ni de monstres aux noms imprononçables, on trouve à la place des lecteurs de Lovecraft et plus généralement de science-fiction avec 2 des personnages qui sont friands de ce type de lecture. Parmi eux, le personnage principal, Atticus, grand lecteur de romans de science-fiction, de pulp, d’imaginaire et de Lovecraft.

Le livre est composé de 8 nouvelles de différentes longueurs, la première étant la plus longue (une novella) et servant à présenter les différents protagonistes. Atticus Turner est un jeune homme, vétéran de la guerre de Corée, qui partage avec son oncle George la passion de la science-fiction. Atticus revient à Chicago pour voir son père mais ce dernier a disparu. Atticus aidé de son oncle et d’une amie d’enfance, Letitia, part à la recherche de son père. Sa quête va l’emmener dans le village d’Ardham dans le Massachusetts, toute ressemblance avec une autre ville étant voulue, et à la rencontre d’un étrange culte. Les textes suivants sont de différentes longueurs et ont tous des références à l’imaginaire. Il y a par exemple Jekyll dans hyde park, avec une histoire de transformation physique rappelant celle du docteur Jekyll ou encore Rêves dans la maison ensorcelée, mettant en scène des fantômes et dont le titre rappelle une nouvelle de Lovecraft. On trouve également des livres maudits ou magiques, de la sorcellerie, des rêves d’astronomie. De nombreux éléments surnaturels auxquels les personnages seront confrontés et qu’ils arrivent à comprendre grâce à leur culture en science-fiction.

Pourtant, malgré ces éléments surnaturels, le roman ne fait pas frissonner à cause des monstres, même si une certaine forme d’angoisse est présente. L’horreur réside ailleurs, elle est tapie dans le comportement humain et dans les problématiques sociales. En effet, le racisme est omniprésent dans la société décrite et les personnages doivent l’affronter frontalement dans leur vie de tous les jours. L’oncle George a même créé un guide de voyage pour les personnes noires afin que ceux-ci puissent voyager en sécurité et trouver plus facilement où manger et dormir. De quoi faire froid dans le dos avec la description d’un racisme ordinaire, et une horreur sournoise et quotidienne. Les personnages apparaissent d’autant plus courageux et combatifs qu’ils doivent faire face à ce racisme et lutter face à un culte secret, l’Ordre Adamite de l’Aube Ancienne. L’auteur prend ainsi le contrepied par rapport aux textes de Lovecraft, et la référence du titre prend ainsi une autre ampleur avec la référence au racisme de l’écrivain, avec une famille noire traquée par un culte de blancs aisés faisant penser au Ku klux Klan (que l’on voit d’ailleurs sur la couverture).

Les textes sont variés par leur style, certain plus porté sur le rêve, d’autres plus vers l’action, mais chacun avec des références littéraire à l’imaginaire, offrant ainsi un hommage au pulp et à la science-fiction. Certains textes sont un peu moins réussis que d’autres mais le tout forme un ensemble cohérent lié par un fil directeur qui prend forme à la fin et parle d’une époque malheureusement pas si lointaine, ni vraiment révolue en fait. Cependant, le tout manque un peu d’émotions par moment, d’un peu de nuances pour dire certaines choses, ou d’un petit quelque chose pour en faire un roman vraiment marquant comme l’est La ballade de Black Tom de Victor Lavalle dans le même registre.

Lovecraft country est ainsi un roman surprenant et une bonne lecture. Les textes forment un ensemble marqué par un fil rouge, la lutte d’une famille afro américaine contre un étrange culte dans l’Amérique des années 50. Le roman offre un hommage à la littérature de science-fiction et au pulp et dénonce le racisme omniprésent en Amérique à cette époque. L’aspect  fantastique est assez classique, pas vraiment remarquable, et passe à l’arrière plan, ce qui est un peu dommage.

Autres avis: Lune, Gromovar

cof Auteur: Matt Ruff

Édition:
Presses de la cité

Paru le 28 mars 2019

Chicago, 1954. Quand son père, Montrose, est porté disparu, Atticus, jeune vétéran de Corée, s’embarque dans une traversée des États-Unis aux côtés d’une amie d’enfance et de son oncle George, grand amateur de science-fiction et éditeur du Guide du voyage serein à l’usage des Noirs. Pour ce groupe de citoyens noirs, il est déjà risqué de prendre la route. Mais des dangers plus terribles les attendent dans le Massachusetts, au manoir de M. Braithwhite… Les trois comparses retrouvent en effet Montrose enchaîné, près d’être sacrifié par une secte esclavagiste qui communique avec des monstres venus d’un autre monde pour persécuter les Noirs. C’est la première de leurs péripéties… Dans l’Amérique ségrégationniste, Atticus et ses proches vont vivre des aventures effrayantes et échevelées, peuplées de créatures fantastiques et d’humains racistes non moins effroyables.

 

 

9 commentaires

  1. TU m’as presque convaincue! Une prouesse ? En fait pas vraiment, car je ne suis pas fermée obligatoirement à l’univers ayant trait à Lovecraft.
    Pour l’instant ‘ai encore trop de recueil en stock pour affirmer que je vais le lire de ce pas. Mais je me le note car le contexte et cette vue à travers deux lecteurs de l’oeuvre de Lovecraft me semble assez intéressant. Et si c’est réussi – sans tomber dans l’illumination brutale et angélique des protagonistes – cela doit être bluffant.
    Donc, je le note.

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    • C’est un fix up plus qu’un recueil de nouvelles. Mais franchement les références à Lovecraft viennent plus de l’homme en lui même et de son univers d’écrivain. Il n’y pas de créatures issues de son monde, c’est plus des références générales.

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