Kallocaïne-Karin Boye

kallocaineDans une société où la surveillance de tous, sous l’œil vigilant de la police, est l’affaire de chacun, le chimiste Leo Kall met au point un sérum de vérité qui offre à l’État Mondial l’outil de contrôle total qui lui manquait. En privant l’individu de son dernier jardin secret, la Kallocaïne permet de débusquer les rêves de liberté que continuent d’entretenir de rares citoyens. Elle permettra également à son inventeur de surmonter, au prix d’un viol psychique, une crise personnelle qui lui fera remettre en cause nombre de ses certitudes. Et si la mystérieuse cité fondée sur la confiance à laquelle aspirent les derniers résistants n’était pas qu’un rêve ?

Autrice: Karin Boye             traduction: Leo Dhayer

Éditeur: Les Moutons électriques

L’autrice: Karin Boye était une poétesse et écrivain suédoise, née en 1900. Sa vie fut marquée par ses engagements en faveur de la liberté d’agir, de penser, d’exister. Elle a écrit avant son suicide en 1941, Kallocaïne, dystopie majeure du XXe siècle.  On considère Kallocaïne, publié en 1940 en Suède, comme l’une des quatre principales dystopies du XXe siècle avec Nous autres (Zamiatine, 1920), Le Meilleur des mondes (Huxley, 1932), et 1984 (Orwell, 1949).

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Ce livre faisait partie de l’abonnement proposé par les Moutons électriques, l’éditeur ayant sorti une édition spéciale avec couverture cartonnée en bonus. Cette édition est d’ailleurs plutôt réussie et garde la même couverture que l’édition parue chez Hélios.

Kallocaïne est une dystopie c’est à dire: un récit de fiction qui prend pour univers une société imaginaire organisée de telle manière que ses habitants ne peuvent accéder au bonheur. Elle est due à la mise en application d’une idéologie censée amener à un monde parfait et apporter le bonheur aux gens du moins du point de vue officiel. On y retrouve des choses aussi peu sympathiques que l’uniformisation de la pensée et bien sûr une perte évidente de liberté. Ce genre est le plus souvent une dénonciation des risques néfastes d’une idéologie. On retrouve bien tout cela dans Kallocaïne, écrit pendant la seconde guerre mondiale dans un pays confronté à la fois au nazisme et communisme.

Le monde décrit dans le roman est une société totalitaire où les citoyens vivent uniquement pour le servir et ce dès l’enfance. Les enfants vivent en camp de jeunesse très tôt et sont élevés dans le but d’être utiles à la société. Les gens n’ont aucun loisir, ils travaillent et une fois leur travail terminé, ils vont faire des taches au service de l’état. Tout est régi, décidé, formaté par le gouvernement en place.

C’est dans ce monde que vit Leo Kall, chimiste, et narrateur du roman. Il invente un sérum de vérité qu’il appellera kallocaïne en référence à son nom. Leo Kall est marié à Linda et ils ont 3 enfants. Il travaille au département des chimistes et son supérieur s’appelle Rissen. Il vit pour servir « l’état mondial » et c’est dans ce but qu’il met au point la kallocaïne. Ce sérum fait révéler à celui à qui on l’injecte ses pensées les plus intimes, il ne peut pas mentir, ni cacher quoi que ce soit. Leo a inventé ce sérum dans le but d’aider la société à traquer les criminels et à éviter le pire. Il a une vision totalement ancrée dans « l’état mondial » et ne pense même pas aux dérives possibles d’une telle drogue.

Il va petit à petit se rendre compte que la drogue peut lui être utile et l’utiliser sur sa propre femme. Ce passage est assez poignant et permet à l’autrice de parler de la condition féminine dans une société totalitaire, des douleurs et des difficultés des femmes. L’autrice parle aussi par ce biais du problème de la confiance entre époux, entre collègues et plus généralement dans la société. Comme toujours dans les dystopies, le personnage prend peu à peu conscience de la société dans laquelle il vit.

La fin du roman est un peu abrupte, le récit est sombre, avec peu d’espoir. Encore une fois ceci s’explique par le contexte dans lequel le roman a été écrit. Le propos n’en est que plus percutant et son propos est toujours d’actualité. Le monde décrit est oppressant et la kallocaïne fait froid dans le dos. Le roman est court mais nous fait réfléchir sur l’histoire et sur notre société. Un roman d’autant plus impressionnant qu’il n’a pas vieilli.

Célindanaé

Cette chronique fait partie du  challenge littérature de l’imaginaire

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et du Challenge Summer Short Stories of SFFF  de Xapur

Challenge Summer Short Stories of SFFF - saison 3

 

 

 

 

12 commentaires

  1. […] Ma chronique : Dans un futur dystopique, Leo Kall est biologiste dans la ville Chimie-4 et entretient des relations distantes avec son épouse Linda et ses enfants. Il sert l’État, comme tout le monde autour de lui, et il se méfie de son chef Rissen qu’il soupçonne d’avoir une aventure avec Linda. Leo baigne — et trouve normal de vivre — dans une société où le contrôle social est omniprésent, chacun surveillant son voisin ou son conjoint. Même les chambres sont espionnées, pour le bien d’un État en lutte contre un autre État. Dans une ville qu’on ne quitte jamais et sans aucun contact avec l’extérieur, on doit des jours de service à la police, on envoie ses enfants dans des camps où ils sont conditionnés et détachés de leurs familles, et les jeunes gens peuvent être arrachés à leurs proches pour être envoyés vivre ailleurs selon les besoins en main-d’œuvre. Cette société se voit comme l’étape ultime de la civilisation, chaque individu ne se justifiant qu’à travers le service de l’État.Leo vient d’inventer une drogue extraordinaire, qu’il baptise la Kallocaine, en référence à son propre nom. Sous ses effets, les prisonniers confessent leurs pensées les plus secrètes, et les tests montrent que même les idées qu’ils n’osaient s’avouer à eux-mêmes font surface.Leo est fier, très fier. Il a découvert le moyen infaillible de débusquer les ennemis de l’État. Bientôt, il va militer pour le vote d’une loi contre les crimes de la pensée, maintenant que son invention permet de les dévoiler. Pourtant, au contact de son chef Rissen qu’il méprise, et de sa femme Linda qui lui échappe à son grand regret, quelque chose s’éveille en lui tout en l’effrayant, lui, brave petit soldat de l’État : les sentiments pour autrui.Ce roman court mais dense — et assez littéraire dans sa plume — a été publié en 1940 par une auteure suédoise qui se suicidera l’année suivante : avant même d’ouvrir le livre, on sait que le ton sera grave et la fin sera sombre. Son testament est marqué par son époque : les pays totalitaires, le contrôle étatique sur les citoyens et la certitude d’agir pour le bien collectif au détriment de l’individuel.Kallocaine fait immanquablement penser à 1984, plus tardif, et qu’il a sans doute inspiré sans en posséder la richesse thématique ni la profondeur de la description de la société. Il n’en reste pas moins une vision glaçante d’un régime totalitaire diablement efficace car tous les citoyens sont endoctrinés dès le plus jeune âge, toute déviance est a priori impossible grâce au contrôle de chacun sur chacun. Les sentiments sont perçus comme asociaux, et rares sont ceux qui comprennent être prisonniers d’un système qui les prive de relations humaines véritables.Autres chroniques dans la blogosphère : Just A Word, Gromovar, Xapur, Célinedanaë – au pays des cavetrolls, […]

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