
Masakuni Oda est un auteur japonais de fictions spéculatives publiées dans des magazines depuis 2011. Lune rémanente est son premier ouvrage traduit en français. Il est édité par Rivages, la traduction est de Patrick Honoré. Il s’agit d’un recueil composé de deux longues nouvelles et d’un court roman. Le titre de l’ouvrage est celui du roman, les deux novellas s’intitulent La lune s’est retournée et Pierre de lune. Les 3 textes ne se situent pas dans le même univers, mais ont pour point commun la lune, et l’influence qu’elle exerce sur les humains. Le livre a obtenu le Grand Prix Nihon SF ( prix japonais pour les meilleures œuvres de science-fiction) et le prix Eiji Yoshikawa (pour commémorer la mémoire de l’écrivain).
Les deux nouvelles
Comme les textes ne se déroulent pas dans un univers communs, je parlerais d’abord des deux nouvelles puis du roman. Les deux nouvelles sont assez longues (plus de 80 pages), il s’agit plus de novellas à mon sens. Elles se déroulent dans notre univers et mettent en scène des personnages ordinaires. Ces deux textes sont plutôt du registre fantastique car il n’y figure qu’un seul point de vue, celui du personnage principal. Le lecteur peut ainsi mettre en doute leur fiabilité. Leurs fins ouvertes laissent aussi une interprétation libre à chaque lecteur. Le premier texte, La lune s’est retournée, met en scène un homme heureux à qui tout semble réussir et dont la vie va soudain basculer. Un soir, lors d’une sortie en famille au restaurant, il voit la face cachée de la lune. L’évènement ne dure que quelques instants mais à partir de là, plus personne dans sa famille ne le reconnaît. Pire, quelqu’un d’autre qu’il ne connaît pas du tout a pris sa place. On se met facilement à la place du protagoniste principal, se demandant comment agir à sa place. Le texte est assez classique mais très efficace et angoissant, et constitue une bonne entrée en matière dans ce recueil. La seconde novella, Pierre de lune, a pour héroïne une femme qui a hérité d’une pierre étrange représentant un paysage. La narratrice va se retrouver entraînée dans des rêves mystérieux sur la lune, où se trouvent un gigantesque laurier et toute une civilisation. La mise en place est un peu longue, avant que le texte ne prenne un tournant plus horrifique et fantasmagorique. La fin est un peu étrange, mais le texte se lit bien.
Le roman
Le roman, Lune rémanente, prend place dans un univers dystopique, où une maladie appelée anabasis frappe les individus au hasard. Les sujets infectés sont appelés des Moonling, ils deviennent hypersensible à la lune, qui les rend hyperactif lors des phases de pleine lune, pouvant les conduire à une agressivité meurtrière, puis sombrent ensuite dans la catatonie. La maladie finit par être mortelle. L’histoire se déroule au Japon où une dictature a mis en place un système de parcage pour les malades. Tôga Uno, le personnage principal, est mis en quarantaine suite à la maladie, mais ses compétences en kendo lui permettent de participer à des combats clandestins en échange d’un traitement.
L’univers développé est intéressant mais manque un peu de précisions concernant l’épidémie. On ne sait pas si le seul Japon est concerné, ni quel est l’état du monde, et c’est un peu dommage. La narration est assez particulière : Le roman raconte les faits à rebours des années après, à la manière d’un fait divers, ce qui donne une narration trop froide et chaotique, car on passe par différents moments de l’histoire, pas forcément de manière linéaire, des années 2020 jusqu’autour des années 2050. Cette narration empêche aussi d’éprouver de l’empathie pour les personnages, surtout que certains éléments dans la vision des femmes m’ont un peu dérangée.
La mise en place est un peu longue et le roman change de tempo vers la seconde moitié, où il prend une tournure plus politique et percutante. La maladie apparaît comme une métaphore pour parler des dérives d’une dictature. Elle est assez peu développée autant dans sa transmission que dans les mesures de protection, ce qui manque au lecteur. On sent vraiment qu’elle est utilisée comme prétexte alors qu’il y avait moyen de la rendre plus concrète.
Lune rémanente est ainsi un recueil où la lune est le personnage principal, et où celle-ci va changer de manière drastique la vie de plusieurs protagonistes. Les individus perdent leur identité, leur liberté ou leur vie sous l’influence de la lune. Les deux novellas appartiennent au registre du fantastique alors que le roman met en place un univers dystopique et de science-fiction. Les 3 textes sont différents, chacun avec une ambiance bien particulière mais parfois dérangeante.
Autres avis : Sometimes a book,
Auteur:Masakuni Oda
Traduction: Patrick Honoré
Éditions: Rivages
Parution:08/01/25
Un recueil de deux nouvelles et un court roman fantastique sur le thème de la lune, dans la veine de Haruki Murakami et Keigo Higashino. Dans les deux premières nouvelles de ce triptyque, un homme qui a le malheur d’apercevoir la face cachée de la lune est réincarné dans le corps d’un parfait homonyme, et une femme qui reçoit en héritage une pierre magique a le pouvoir de se transporter sur le satellite naturelle de la Terre. Le court roman éponyme, Lune rémanente, se déroule dans un Japon dystopique. Une épidémie de « selenomania » s’est déclarée : à chaque pleine lune, les contaminés deviennent agressifs et voient leurs capacités physiques et mentales démultipliées, puis finissent par mourir.