En septembre a eu lieu la première édition du festival Étrange grande à Hettange-Grande en Moselle. Pour l’occasion, le thème choisi fut un hommage à Philip K. Dick, pour son impact sur la pop culture, et comme un clin d’œil à sa venue en France en 1977 lors du défunt festival de Science-Fiction de Metz où l’auteur dit avoir passé : »la plus belle semaine de sa vie ». Le festival s’est également associé à la maison d’éditions Livr’S pour la publication d’une anthologie de nouvelles réunissant des participants de l’atelier d’écriture Étrange-Grande, ainsi que des autrices et auteurs invités.

Les différents textes s’inspirent des livres de Philip K. Dick ou de ses thématiques, ou encore de sa vie. On y retrouve des éléments biographiques de l’auteur, des personnages de ses romans, des éléments de ses livres, tout ce qui fait la richesse de son œuvre et son impact si important sur la culture actuelle. Elle est destinée aux amateurs de l’écrivain, mais il n’est pas besoin d’être fin connaisseur pour apprécier les textes. L’anthologie contient 14 nouvelles.

Samsara de Victor Fleury : Un jeune garçon, Cody, a été enlevé par un vieil homme qui le force à étudier pour entrer à l’aérospatiale. L’enfant grandit avec lui, puis apprend la terrible vérité sur les raisons de son kidnapping. La nouvelle est plutôt courte et offre une très bonne entrée en matière. Le thème correspond tout à fait à l’univers de Philip K. Dick, c’est bien écrit et rythmé.

Patiente 78649 de Anne Kauffmann : Une jeune étudiante fauchée accepte de faire une étude scientifique rémunérée portant sur le double astral, uniquement pour se faire un peu d’argent. Lors de la première expérience, elle va vivre un étrange phénomène. Un bon texte tout à fait dans le thème, bien fait et intéressant.

Imperceptible glissement de temps de J.C. Gapdy: Un homme arrive sur Mars avec son fils. Cet homme a une étrange capacité qui lui permet d’accueillir deux personnalités différentes dans son corps. Il doit résoudre une affaire pour laquelle il aura l’aide de son fils. Ce texte a énormément de potentiel, mais il est trop court et certains éléments ne sont pas assez creusés.

Déconnexion de Aurélie Seiller : futur proche, la majorité des gens sont programmés par une puce qui empêche les émotions. Un groupe de résistants tentent de deconnecter certaines personnes. On suit l’histoire de ce groupe, avec les dangers encourus lors des opérations. L’idée est intéressante, mais déjà vue, et le texte manque un peu de clarté sur certains points.

Tat-Cret aux pieds d’argile de Dominique Lémuri: une de mes nouvelles favorites du recueil. Un extraterrestre de l’espèce Tat-cret (sorte d’insecte avec un esprit de ruche, mais prenant parfois apparence humaine ) est engagé par un humain pour retourner dans le passé et tuer Phillip K.Dick qui a mis des idées révolutionnaires dans la tête des gens, ce qui n’est pas tolérable. C’est bien ficelé, avec de l’humour et une histoire très prenante.

Cthulhu rêve t’il de chats électriques? de Augustin Begorn : on se doute vite du thème au vu du titre. Lovecraft a écrit une lettre à Howard lors de son départ de New-York, où il lui raconte sa rencontre étrange avec des écrivains morts ou n’ayant pas encore existé, dont Phillip K.Dick. Le texte est trop court et développe juste une bonne idée de base sans chercher plus, ce qui est un peu dommage.

Label rouge de Alex Mauri : dans un futur proche, les progrès scientifiques permettent de concevoir des enfants de manière externe, en utilisant des vaches comme incubateur. Le texte suit un de ces enfants sur fond de terrorisme et de désastres écologiques. La fin est trop rapide et certains points auraient mérités plus d’éclaircissement.

Les voix du désespoir de Laetitia Bervick : la narratrice est une femme traumatisée par la mort de son mari et de sa petite fille. Elle va se retrouver face à un choix difficle. J’avoue ne pas avoir trop vu le rapport avec Philip K. Dick.

Descente aux enfers de Frédérique Lorient : deux amis sont tombés amoureux de la même femme. Elle a fait son choix et épousé l’ami du narrateur qui est chanteur. Après une soirée, cette femme meurt dans des circonstances floues. La fin est un peu soudaine mais le texte se lit bien avec des thématiques intéressantes.

Pourquoi les cyclones n’ont ils qu’un œil? de Carwyn Tomas : un très chouette texte sous forme de mise en abyme. L’idée est excellente mais la fin un peu rapide. Un journaliste amateur de SF est convoqué par son patron, qui lui demande d’écrire un article sur Philip K. Dick. Des rumeurs disent que l’écrivain serait toujours en vie. Le journaliste va aller de surprises en surprises.

L’autre de Lorraine Diaz-Caneja : une histoire trop courte sur le thème de la schizophrénie, maladie dont souffrait Philip K. Dick. Une femme se sent poursuivie et change d’identité pour fuir cette autre.

Sorti de la terre de Raymond Milési : Une jeune fille va à l’église pour une punition après ses cours et en ressort changée. Une histoire avec des démons pas très claire, ni vraiment dans le thème à mon avis.

L’effroyable formulaire BE314 de Anne-Lorraine Wagner: une psychologue reçoit un homme réplicant qui a menacé sa compagne pour faire un diagnostic sur son état mental. Mais il va lui expliquer pourquoi il a agi de la sorte et elle va comprendre que c’est lié à son époux. Le réplicant (comme dans Blade Runner) est bien utilisé, la nouvelle bien écrite avec son lot de surprise.

Hôtel Siva de Jean-Sébastien Guillermou : sans doute ma préférée de l’anthologie, un très beau texte avec de belles idées et de l’émotion, très bien écrit, où on retrouve Philip K. Dick. Une journaliste de 52 ans récemment plaquée par son mari pour une autre se retrouve en situation précaire. elle n’arrive plus à écrire depuis. Une nuit d’insomnie, elle regarde Blade Runner et tombe sous le charme. En cherchant des informations sur l’écrivain, elle tombe sur un groupe qui prétend qu’il n’est pas mort. Elle va alors enquêter dans l’espoir d’écrire un article.

Comme souvent dans les anthologies, certains textes apparaissent moins plaisants que d’autres, néanmoins ce livre est un bel hommage à Philip K. Dick. Certaines nouvelles sont vraiment d’un très bon niveau et permettent de découvrir des auteurs ou autrices.

Autres avis :

Auteurs/Autrices : Alex Mauri, Anne Kauffmann, Anne-Lorraine Wagner, Augustin Begorn, Aurélie Seiller, Carwyn Tomas, Dominique Lémuri, Frédérique Lorient, J.C. Gapdy, Jean-Sébastien Guillermou, Laetitia Bervick, Lorraine Diaz-Caneja, Raymond Milési, Victor Fleury

Éditions: Livr’s

Parution: 1er octobre

Si Philip Kindred Dick est mort en 1982, son ombre plane encore sur la Science-Fiction. Cinéma (Matrix), séries télévisées (Westworld), jeux vidéos (Cyberpunk 2077), animation japonaise (Psycho-Pass)… jamais Dick n’a été aussi vivant dans la culture pop. Quarante-cinq ans après avoir été invité au festival de SF de Metz en 1977, le mythique auteur revient en Lorraine ! Le nouveau festival des littératures de genre lui rend en effet hommage à travers cette anthologie, Étrange K. Dick, qui réunit à la fois de nouveaux talents de l’atelier d’écriture Étrange-Grande et des autrices et auteurs invités.
Des textes variés, drôles ou angoissants, qui dépassent largement le cadre de la Science-Fiction eu égard au caractère éminemment dystopique du monde moderne. Philip K. Dick étant moins un écrivain de l’imaginaire qu’un philosophe usant de la SF pour aborder des questions métaphysiques qui n’ont pas ni de nous fasciner, puisse cette humble anthologie donner envie de découvrir un authentique génie du siècle dernier.

Cette chronique fait partie du Challenge S4F3 2022