Le Livre écorné de ma vie de Lucius Shepard

Écrivain phare des éditions Le Bélial’, Lucius Shepard se voit accorder les honneurs d’une troisième publication dans la collection Une heure Lumière après Les Attracteurs de Rose Street en 2018 et Abimagique en 2019. Le livre écorné de ma vie, écrit en 2009 est tiré du recueil Five Autobiographies and a Fiction. A la traduction, on retrouve Jean-Daniel Brèque qui a officié sur les précédents romans de l’auteur.

Thomas Cradle, écrivain à succès dans le domaine de la fantasy fait un jour une recherche sur son patronyme sur Amazon et se découvre un homonyme, aussi écrivain, né dans la même ville que lui et ayant fait ses études au même endroit. Cet homonyme a publié un roman intitulé La forêt de thé. Par curiosité, il se procure le livre qui lui semble vite familier. En effet, le style ressemble à celui du début de sa carrière, et il s’aperçoit que physiquement l’auteur lui ressemble beaucoup. Après avoir cru à une blague de mauvais goût, le roman devient une obsession pour Thomas. La forêt de thé raconte une expédition sur le Mékong mais parle aussi d’univers parallèles qui parfois s’entremêlent. Thomas décide à son tour d’entreprendre le même voyage que celui décrit dans le livre et s’envole pour le Cambodge, pour un voyage au gré du hasard, de la violence, de la drogue.

Ce livre illustre bien le fameux adage selon lequel l’important est le voyage et non la destination. En effet, Thomas va faire un voyage au sein des ténèbres, les siennes et celles de son homonyme. Un voyage que l’on pourrait qualifier de poisseux, brutal, qui montre une facette du Sud-Est asiatique plutôt sombre. Pour essayer de comprendre qui est son double, Thomas va aller jusqu’au bout de ses propres ténèbres, alliant sexe, drogue et parfois rock’n’roll à son pèlerinage vers lui-même, vers la compréhension de cet autre Thomas Cradle.

Il y a pas mal de parallèles entre la vie de Lucius Shepard, qui a beaucoup voyagé en Asie, et le roman. Pourtant, ce n’est pas une vraie autobiographie, même si l’aspect écriture est au cœur du récit. Le style de Shepard et la traduction de Jean-Daniel Brèque font mouche dès les premières lignes ,et nous emportent dans ce voyage au bout de nulle part, dans cette plongée dans un monde trouble, acide pour ne plus nous lâcher. Surtout que le personnage principal ne fait pas partie de ceux auxquels on s’attache ni apprécie, disons le franchement : c’est un sale type qui n’a rien pour lui, hormis sa capacité à savoir ce qu’il est vraiment.

Le livre écorné de ma vie n’est pas le livre le plus facile d’accès des UHL, ni celui qu’on proposera en premier pour faire découvrir la collection. Pourtant, j’ai été happée dès les premières pages par ce récit hors du commun et par la plume tout en nuances de Lucius Shepard. C’est un récit âpre, poisseux, aux thématiques dures qui parle de la création littéraire et du voyage au plus profond de soi-même, ce qui n’apporte pas toujours ce que l’on pense.

Autres avis: Orion, Gromovar, diaspora galactique,

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Auteur: Lucius Shepard

Traducteur: Jean-Daniel Brèque

Édition: Le Bélial’

Parution: 10 juin 2021

Auteur à succès, Thomas Cradle se découvre par hasard un homonyme romancier dont il ne savait rien. Intrigué, il se procure l’unique ouvrage de ce dernier, et réalise bientôt qu’au-delà de leur patronyme, les deux hommes partagent une date de naissance identique, sont nés dans la même ville et ont fréquenté la même université… La lecture de l’ouvrage achève de convaincre Cradle du caractère fascinant de sa découverte, les points communs sont trop nombreux, trop évidents : il lui faut partir sur les traces de cet autre Cradle. Et pour ce faire, une seule destination : le Mékong et ses méandres, entre Laos et Viêt Nam — comme un écho aux motifs d’un narrateur bien plus toxique qu’il n’y paraît… Jusqu’au cœur des ténèbres, en somme, jusqu’à déchirer le voile d’une réalité impensable.

Cette chronique fait partie du projet Ombre

Et du le Challenge estival S4F3

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