La Machine à indifférence et autres nouvelles – Anthologie de SF japonaise l’Atelier Akatombo

L’Atelier Akatombo est une maison d’édition spécialisée dans la traduction d’ouvrages japonais. En ce mois de mai, elle a ainsi décidé de publier la première anthologie de science-fiction japonaise traduite en français intitulée La Machine à indifférence et autres nouvelles. On y trouve cinq nouvelles d’auteurs japonais. Le livre est publié dans leur collection Science-fiction. La préface est signée Denis Taillandier et Takayuki Tatsumi se charge de la postface. Les traductions sont de Tony Sanchez et Denis Taillandier.

Si c’est bien des auteurs japonais qui ont signé ces textes, j’ai été un peu surprise qu’aucun des 5 textes ne se déroulent au Japon, même si certains ont des liens avec le pays. C’est un peu déroutant mais c’est bien de science fiction qu’il s’agit, de la vraie, et de la bonne.

Le premier texte est celui qui donne son titre au livre, La Machine à indifférence et il est signé Project Itoh. C’est un texte assez sombre mais très bien écrit et avec des thématiques fortes. L’histoire se déroule au Krippendorf, pays d’Afrique dans lequel une guerre civile vient de se terminer. Elle a été marquée par la haine entre Xemas et Hoas qui a fait de nombreux morts, dont la famille du narrateur. A la fin de la guerre, le pays espère se remettre rapidement et oublier cette haine, décidant ainsi de mélanger les 2 ethnies dans les mêmes écoles. Mais des années de guerre ont marqué les esprits et on ne s’enlève pas la haine aussi facilement surtout quand elle est là depuis des années. C’est pourquoi une ONG essaye de changer les choses grâce à une machine à indifférence qui grâce à des nanomachines permet de voir les choses différemment, ou plutôt indifféremment en gommant la perception des différences. Mais est-ce réellement la solution? Comment vivre avec son passé et l’oublier totalement? Cette nouvelle est très réussie, parlant du poids de l’histoire, du colonialisme, des traumatismes des guerres.Un très beau texte, très juste et bien écrit.

La seconde nouvelle, Les Anges de Johannesburg de Yusuke Miyaushi, reste en Afrique dans un contexte de guerre civile, mais à Johannesburg. Steve est noir et Sheryl est blanche, ils se connaissent depuis qu’ils sont orphelins et qu’ils s’entraident pour survivre dans une ville ravagée par le conflit. Ils habitent dans un immense immeuble d’où ils observent chaque soir des robots féminins se jeter du haut du building. Ces robots sont en fait des divas qui ont été conçus pour divertir, mais la guerre a fait échoué ce projet. Sans avenir, ni personne à qui se rattacher, elles se jettent dans le vide. Mais un soir, l’impossible se produit puisqu’une des gynoïdes semble demander l’aide de Steve et Sheryl. Le début du texte est un peu long, mettant en place le contexte d’une ville en proie à la violence puis la suite devient nettement plus intéressante.

Bullet de Toh EnJoe est le texte le plus court de cette anthologie. Elle parle de paradoxe temporel et de voyage dans le temps. Jay est fou amoureux de Rita, une jeune femme un peu étrange qui voue une passion aux armes à feu, passant son temps à tirer. D’après Jay, Rita aurait une balle dans la tête tirée par un meurtrier du futur. C’est là que tout se complique et les paradoxes temporels se mélangent pour donner une histoire assez incroyable mais plaisante à découvrir.

Direction la Chine avec Battle loyale de Taiyo Fujii avec l’histoire d’un développeur de jeux vidéo qui va soudainement se retrouver la cible de terrifiantes abeilles tueuses qui sont en fait des drones armés. Le texte est le plus long du recueil, sans doute trop long. Le début du texte contraste beaucoup avec le reste, le début parle de jeux vidéos alors que la suite bascule dans le conflit, l’espionnage et la politique en Chine. C’est intéressant mais plutôt déroutant.

La dernière nouvelle, La Fille en lambeaux de Hirotaka Tobi parle de réalité augmentée et de réalité virtuelle. Le titre vient d’un jeu créé par une femme à l’apparence repoussante et dotée d’une mémoire exceptionnelle basée sur les sens lui permettant de se souvenir d’absolument tout depuis ses plus jeunes années. Elle va rencontrer une jeune scientifique en intégrant une équipe travaillant sur une réalité virtuelle d’un nouveau jour utilisant tous les sens. La relation entre les deux femmes va se transformer. Les thématiques du texte sont très intéressantes, parlant de notre rapport à la réalité, de possession, de désir et de volonté.

La Machine à indifférence et autres nouvelles est ainsi une anthologie qui permet de découvrir la science-fiction japonaise sous différents aspects. Les thématiques sont nombreuses, les textes nous font voyager et nous questionner. On ne peut que saluer l’initiative de l’Atelier Akatombo et on espère découvrir d’autres auteurs de science-fiction japonaise.

Autres avis: Lune, Le nocher des livres,

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Auteurs: Project Itoh, Yūsuke Miyauchi, Toh EnJoe, Taiyō Fujii et Hirotaka Tobi

Éditions: Atelier Akatombo

Traducteurs: Denis Taillandier et Tony Sanchez

Parution: 21 mai 2021

La Machine à indifférence de Project Itoh, Les Anges de Johannesburg de Yusuke Miyauchi, Bullet de Toh EnJoe, Battle loyale de Taiyo Fujii et La Fille en lambeaux de Hirotaka Tobi composent la première anthologie de science-fiction japonaise traduite en français. Sélectionnées par les deux meilleurs spécialistes français de la SF japonaise – Denis Taillandier, maître de conférence à l’université Ritsumeikan de Kyoto, et Tony Sanchez, traducteur de manga et chroniqueur chez ActuSF -, ces cinq nouvelles témoignent de la vivacité d’un genre qui mêle rigueur scientifique et créativité.

Cette chronique fait partie du projet Ombre

9 commentaires

  1. Merci beaucoup pour ce retour ! Attention, la postface a été écrite par Takayuki Tatsumi, universitaire japonais spécialiste de la littérature américaine et de la théorie littéraire, et grand connaisseur de SF !

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