Entretien avec Estelle Faye

Estelle Faye est une autrice que j’aime vraiment beaucoup. J’ai eu l’occasion de la rencontrer plusieurs fois aux Imaginales et de partager un petit déjeuner avec elle et plein d’autres personnes lors des Imaginales 2019 sur le thème fantasy historique. Ce fut passionnant. Ainsi après ma lecture de Un reflet de lune j’ai eu envie de lui poser quelques questions. Je la remercie encore pour cet entretien.

Pour ceux qui voudrait en savoir un peu plus sur l’autrice, voici quelques liens:

  • Cela faisait il longtemps que vous pensiez revenir à cet univers, à ce personnage de Chet que l’on avait découvert dans Un Eclat de Givre, paru en 2014 ?

Quand j’écrivais Un Eclat de Givre, comme souvent je n’imaginais pas que ce livre aurait une suite. Mais j’avais déjà toute la carte de ce Paris post-apo dans la tête (et sur mes carnets de notes, sur un dessin très peu lisible, car je dessine assez mal, dans des dossiers sur mon ordi…) Je savais déjà à quoi ressemblait tous les autres quartiers de la ville, tous ceux que le roman n’avait pas explorés. Je connais toujours davantage de mon monde que ce que je mets dans mes livres.  Ce monde m’est resté en tête, même après avoir écrit le mot FIN. Et Chet aussi m’est resté en tête, il avait envie de mûrir, de grandir… Enfin, il y a eu les réactions des lectrices et des lecteurs. Peu après la sortie du livre, beaucoup m’ont demandé une suite. J’ai commencé à l’écrire, dès 2014. Après quelques aventures éditoriales, je l’ai terminée en 2020. Ça a été une de mes plus longues écritures !

  • Dans l’univers de ces 2 romans, le décor offert par la ville de Paris est apocalyptique, inquiétant avec différentes zones bien définies. Comment est née l’idée de ce décor ? Quelle relation avez-vous avec la ville de Paris ? La même que Chet ?

Ma relation avec Paris est aussi forte, je crois, et un peu différente aussi. Contrairement à Chet, il y a eu des moments, et il y en aura toujours je  crois, où j’ai eu envie de quitter Paris, où je ne supportais plus de rester accrochée à cet endroit, où j’avais besoin d’autre chose, d’autres horizons.  Des moments où je suis partie comme on s’échappe, où je suis allée le plus loin  possible, le plus longtemps possible. Mais j’ai toujours fini par revenir. Je crois que je reviendrai toujours.

Le Paris de Chet s’est créé au fil de mes propres errances et mes propres expériences dans le Paris réel et actuel, s’est enrichi de mes lectures et de mes souvenirs. Voilà comment cet univers est né.

  • L’histoire est racontée du point de vue de Chet, les autres personnages semblent faire un ballet autour de lui. Seule reste la ville qui apparait comme un personnage à part entière. Est-ce pour cela que la narration est à la première personne ?

Au départ, quand j’ai commencé à songer à une histoire dans cet univers, j’avais plusieurs personnages en tête, plusieurs héros ou héroïnes possibles. Et puis Chet s’est imposé. Chet, et sa voix, sa façon de voir le monde. Je tenais à écrire un post-apo pas glauque, un livre qui parle avant tout de ceux qui continuent à vivre, qui rêvent encore et tentent de reconstruire quelque chose, même après la catastrophe. Chet était le personnage évident pour ça.

  • Chet semble indissociable de l’univers, il incarne la ville de Paris. Peut-on envisager de voir un jour une histoire dans cet univers sans ce personnage ? Une nouvelle sur Tess par exemple ou une histoire à Paris avec un autre personnage que Chet ?

Chet et son parcours resteront toujours, je pense, l’épine dorsale de cet univers. Mais je ne m’interdis pas de donner la parole aussi à d’autres personnages ( mini spolier : je l’ai déjà un peu fait!)

  • Vous avez une formation dans le théâtre et le cinéma, cela influence t’il votre manière d’écrire ? On note l’amour de la scène qu’éprouve Chet, cela est-il lié ? Retrouve-t-on une part de vous-même dans Chet ?

Avec quelques années de recul, je crois que ce que j’ai vraiment gardé de mes années de théâtre et de cinéma, c’est le goût pour  les personnages, la volonté de les mettre au centre de l’histoire, de sortir de ma carcasse, aussi, pour essayer de me mettre au maximum à leur place, de voir le monde au travers de leurs yeux. Et bien sûr l’amour de Chet pour la scène, son rapport au masque, à l’identité, tout ça vient pour beaucoup de mon expérience. 

  • Un des thèmes du roman est la liberté, la tolérance envers l’orientation sexuelle. Est-ce un thème qui vous est cher ?

Bien sûr. D’une manière générale, je tiens à faire vivre des personnages très divers dans les livres. Mais je ne fais pas d’effort conscient pour cela non plus. Chet est né ainsi, avec sa bisexualité et son goût pour la scène, avec ses airs de jazz et son attachement à Paris. Son orientation sexuelle est un aspect du personnage, elle fait partie de lui mais il ne se résume pas à cela.

  • Dans les thématiques abordées dans Un reflet de lune, on note l’importance de l’écologie, les catastrophes climatiques auraient causé l’apocalypse et la pluie ne cesse de tomber. Est-ce un sujet essentiel à vos yeux ?

Nous voyons chaque année (et ces derniers temps encore davantage) à quel point le dérèglement climatique, les atteintes à l’environnement, affectent la nature, le monde en général, et notre quotidien aussi.

En tant qu’autrice, je réagis aussi à ce que je vis, au monde autour de moi, donc forcément ce sujet se retrouve dans mes livres.

  • Ce roman est votre première collaboration pour un roman avec Actusf, commence cela s’est-il passé ?

Très bien. C’est une maison d’édition dont j’aime l’énergie et la ligne éditoriale très variée, ainsi que le soin porté au design des livres et des couvertures. Je suis vraiment contente que ce livre existe chez eux !

  • Une question un peu plus générale : dans vos écrits, vous êtes assez éclectique, on retrouve de la fantasy, de la SF, des romans jeunesse. Est-ce différent dans la manière de travailler ?

Chaque roman est différent, en réalité, même quand il s’agit de deux romans dans un même univers. A chaque écriture j’évolue aussi, je suis une autrice un peu différente. Mais j’ai aussi quelques constantes dans mon travail : je me documente toujours beaucoup, je prends des pages et des pages de notes en amont, je corrige beaucoup, et je discute beaucoup avec mon bêta lecteur.

Quand j’écris mes romans jeunesse, je tiens aussi à ce qu’il y ait toujours de l’espoir à la fin, et dans mes livres pour les plus jeunes, comme L’Ile au Manoir ou la série Alduin et Léna, les héros ne résolvent rien par la violence. 

Enfin je bois toujours beaucoup de café, à ce point je pense que ça fait partie de ma méthode de travail.

  • Avez-vous des livres ou des films parus récemment à nous conseiller ?

En roman, en imaginaire, j’ai un eu gros coup de cœur en 2020 pour Quitter les Monts d’Automne, d’Émilie Querbalec, un Space Opera qui fait vraiment voyager le lecteur et qui arrive à renouveler le genre sans laisser les lecteurs néophytes en chemin.

Pour les grands ados et au-delà, Rouge de Pascaline Nolot, réécriture âpre et très actuelle des contes de fées.

Côté films, j’ai vu beaucoup moins de nouveautés que d’habitude, ces derniers mois. Ce n’est pas de l’Imaginaire, mais j’ai beaucoup aimé Drunk de Thomas Vinterberg, pour ses héros faillibles, attachants et humains.

  • Pouvez-vous nous parler de vos projets en cours ?

En ce moment je corrige mon roman adulte de fantastique historique, qui se passe entre Paris, la Bretagne et surtout Terre-Neuve, au 18ème siècle. Au programme, des ambiances océaniques, de la nature sauvage, des aspects très sombres de la nature humaine, des légendes, des mystères et des révoltes… Il est prévu pour octobre chez Albin Michel Imaginaire.

Et en parallèle, je travaille sur des projets jeunesse.

La page AMI consacrée au roman : https://www.albin-michel-imaginaire.fr/widjigo-estelle-faye/

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