Des choses fragiles : Nouvelles et merveilles, Neil Gaiman

Une bien belle couverture, un très joli titre et sous titre (qui rappelle à la fois un titre de Lovecraft et mentionne le fait que le livre contient des nouvelles et des poésies merveilleuses), un auteur que j’admire. Tout cela laissait présager beaucoup de bons moments passés en la compagnie de la plume de Neil Gaiman. Pourtant si ce fut le cas pour quelques textes, ce fut loin de l’être pour le livre dans sa globalité. Il est des choses fragiles comme la conception d’un recueil, 31 textes c’est sans doute un peu trop même si certains sont très courts.

Dans une assez longue introduction fort instructive, Neil Gaiman explique comment lui sont venus les idées pour chaque texte présent. Il revient aussi sur la signification du titre avec cette citation: « Les histoires, tels les gens, les papillons, les œufs d’oiseaux, les cœurs humains et les rêves, sont des choses fragiles faites d’un matériau aussi peu solide ou durable que vingt-six lettres et une poignée de signes de ponctuation. Ou des paroles faites de sons et d’idées, abstraites, invisibles, disparues sitôt prononcées. Et pourtant certaines, simples et minuscules, ont survécu à ceux qui les ont racontées. » L’auteur a ainsi décidé de rassembler différentes nouvelles fantastiques écrites à des périodes différentes, mais ayant pour thématique la fragilité humaine. Belle idée et belle thématique mais pour certains textes c’est vraiment très fragile. Les textes donnent souvent l’impression d’avoir été assemblés au hasard, sans véritable lien entre eux. De plus, quelques textes auraient vraiment mérités d’être enlevés ou retravaillés et manquent de contenu.

Cependant, certains textes sont vraiment réussis et montrent la richesse de l’imagination de l’auteur. Parmi ceux-ci, on retiendra particulièrement Une étude en vert qui ouvre le livre et où l’auteur fait se rencontrer les univers de Sherlock Holmes et de Lovecraft. L’idée a depuis été exploitée à plusieurs reprises, mais c’est vraiment très bien fait ici, avec une idée très originale sur les grands anciens. La nouvelle a remporté le Prix Hugo de la meilleure nouvelle en 2004 et c’est bien mérité. Les épouses interdites des esclaves sans visage dans le manoir secret de la nuit du désir redoutable propose une excellente réflexion sur le fantastique et le réel. On retrouve des récits enchâssés et un style proche des premiers romans gothiques. La Présidence d’Octobre voit les mois de l’année réunis pour raconter des histoires. On retrouve le principe des récits enchâssés et une histoire de fantômes typiques du mois d’octobre. L’Heure de la fermeture est assez similaire à la précédente, avec une histoire dans une autre histoire et un récit de maison abandonnée assez terrifiant. La fin est un peu abrupte.

Souvenirs et trésors se lit bien, mélangeant mafia et surnaturel, avec la recherche d’une tribu exceptionnelle pour la beauté de ses hommes. La fin aurait pu être raccourcie de quelques lignes. Qu’est ce que tu crois que ça me fait propose une version originale des gargouilles dans une histoire de passion destructrice. Nourrir et manger est une nouvelle qui trouve son inspiration du côté de Lovecraft et Poe, avec une étrange relation à la fois glaçante et belle par certains côtés. Goliath est un texte commandé pour se situer dans le monde de Matrix. C’est réussi et assez différent du film tout en s’y incluant. Enfin pour conclure le recueil, on retrouve le personnage d’Ombre du roman American gods avec Le monarque de la vallée. Ce court roman a été publiée en édition de luxe avec les illustrations de l’artiste suédois Daniel Egnéus par les éditions Au Diable Vauvert. Il se déroule deux ans après les événements relatés dans American gods. Ombre est en voyage en Écosse où un étrange docteur lui propose du travail en tant que vigile lors d’une soirée dans un manoir perdu dans la vallée. L’aspect mythologique est au centre du récit avec la mention des Hulder ou Huldres qui font partie du folklore norvégien, et une histoire qui rappelle celle de la légende de Béowulf et Grendel.

Des choses fragiles ne reflète ainsi pas à sa juste valeur le talent de Neil Gaiman en tant que nouvelliste. Il y a à mon sens beaucoup trop de textes dans ce recueil, et les meilleurs apparaissent un peu noyés dans la masse. C’est dommage car certains textes sont vraiment excellents et méritent clairement le détour.

Autres avis: Boudicca, Livrement, Quoi de neuf sur ma pile, Vert,

Auteur: Neil Gaiman

Traducteur: Michel Pagel

Éditeur: Au Diable Vauvert

Parution: 17/04/2009

« Les histoires, tels les gens, les papillons, les œufs d’oiseaux, les cœurs humains et les rêves, sont des choses fragiles faites d’un matériau aussi peu solide ou durable que vingt-six lettres et une poignée de signes de ponctuation. Ou des paroles faites de sons et d’idées, abstraites, invisibles, disparues sitôt prononcées. Et pourtant certaines, simples et minuscules, ont survécu à ceux qui les ont racontées. » Neil Gaiman
Incluant poèmes, nouvelles et le court roman Le Monarque de la Vallée où l’on retrouve le héros d’American Gods, un somptueux recueil enrichi d’une interview inédite de l’auteur.

Une étude en vert ; La Grand’roue féerique ; La Présidence d’Octobre ; La Chambre dissimulée ; Les Épouses interdites des esclaves sans visage dans le manoir secret de la nuit du désir redoutable ; Le Chemin caillouteux du souvenir ; L’Heure de la fermeture ; Devenir sylvain ; Amères Moutures ; Les Autres ; Souvenirs et trésors ; Les Bons garçons méritent des récompenses ; La Vérité sur le cas du départ de Mlle Finch ; D’étranges petites filles ; La Saint-Valentin d’Arlequin ; Boucles ; Le Problème de Susan ; Instructions ; Qu’est-ce que tu crois que ça me fait ? ; Ma vie ; Quinze cartes peintes d’un tarot de vampires ; Nourrir et manger ; Le Coup de l’inventeur de maladies ; À la fin ; Goliath ; Pages d’un journal trouvé au fond d’une boîte à chaussures laissée dans un bus Greyhound, quelque part entre Tulsa, Oklahoma, et Louisville, Kentucky ; Comment parler aux filles pendant les fêtes ; Le Jour de l’arrivée des soucoupes ; L’Oiseau-soleil ; Inventer Aladin ; Le Monarque de la vallée

Cette chronique fait partie du projet Ombre

10 commentaires

  1. C’est drôle, j’ai fais le tour des différents recueils de Gaiman pour le Projet Ombre et je me suis aussi faite cette réflexion sur le nombre de textes proposés. J’ai commencé par « Miroirs et fumées » mais lorsque j’attaquerai « Des choses fragiles », je saurai vers quelles nouvelles m’orienter en premier ! Merci à toi 😁.

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  2. J’en garde un bon souvenir pour ma part, après c’est typique des recueils de Gaiman, y’a des choses tellement différentes qu’on arrive rarement à tout apprécier (d’ailleurs j’ai retenu d’autres textes que toi ^^)

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