L’incivilité des fantômes de Rivers Solomon

L’incivilité des fantômes est le premier roman écrit par Rivers Solomon. Il a été publié en août 2019 Aux Forges de Vulcain puis repris en poche chez J’ai Lu dans la collection Science-fiction fin août 2020. Le roman a été traduit de l’anglais par Francis Guévremont. Les différents avis que j’ai pu voir passer sur ce livre et les thématiques traitées ont piqué ma curiosité et l’édition en poche m’a fait sauter le pas.

Le roman se déroule à bord du Matilda, un immense vaisseau arche où se trouvent les derniers humains. La Terre est devenue inhabitable et les humains ont choisi de la quitter. Pour cela, ils ont construit le Matilda qui voyage dans l’espace depuis de nombreuses années, le voyage n’ayant pas vraiment de destination pré-établie. Plusieurs générations ont suivi les premiers voyageurs et le Matilda est devenu leur monde, un monde enviable pour certain et une prison pour d’autres. Les ponts du vaisseau sont nommés par les lettres de l’alphabet, ainsi plus on est riche, plus la lettre de son domicile est proche du début de l’alphabet. Les riches blancs se trouvent sur les ponts supérieurs tandis que dans les entrailles du vaisseau se trouvent les gens de couleurs, tous ceux qui sont différents. Les habitants des ponts inférieurs triment pour le reste du navire dans des champs assurant la subsistance des mieux lotis. Le Matilda rappelle ainsi le Transperceneige faisant le tour de la Terre sans réelle destination ni avenir avec un système de logement par classe très proche.

Le roman suit les pas de Aster, jeune femme noire des ponts inférieurs. La mère d’Aster s’est suicidée après sa naissance et elle ne la connait qu’à travers les journaux qu’elle a laissé derrière elle. Malheureusement, ces journaux sont assez cryptiques et incompréhensibles pour Aster. Elle va être aidé par sa meilleure Giselle dans sa quête pour résoudre le mystère entourant sa mère. Aster est un personnage atypique mais terriblement attachant. Elle peut être définie comme non-genrée et souffrant de troubles autistiques, les termes n’étant jamais donné clairement mais on peut les reconnaitre. Aster est une femme très intelligente qui apprend beaucoup par elle-même, elle est ainsi botaniste et soigneuse et est devenue l’assistante de Theo, le chirurgien général du vaisseau. Aster est un personnage très bien décrit, crédible, qu’on prend plaisir à suivre. Elle apporte énormément au roman. L’incivilité des fantômes est un roman marquant en grande partie pour ses personnages atypiques mais très bien écrits. Ce sont des personnages qui essaye de survivre face à un régime totalitaire, face à l’oppression, pour qui la vie est extrêmement difficile. Theo est aussi un protagoniste très intéressant. C’est le fils illégitime du dirigeant, il est croyant et non-binaire et voue une grande admiration à Aster, leur relation est touchante. Autre personnage marquant, Giselle, qui connait Aster depuis l’enfance. Elle est très instable et difficile à comprendre par moments. Cela s’explique par les nombreux traumatismes qu’elle a subis.

La violence présente dans le roman est d’ailleurs par moments presque insoutenable tellement elle est horrible et sans raisons. La vie des femmes des ponts inférieurs est véritablement terrible, elles survivent dans la peur incessante des gardes qui ne se gênent pas pour assouvir leurs violences sur elles, que ce soit viol, coups ou humiliation. Elle sert à dénoncer des faits de nos sociétés actuelles. Le roman évoque ainsi de notre monde, qui serait transposé à l’intérieur du Matilda, et aborde les thématiques de l’esclavage, du suprémacisme blanc, des personnes de couleur, des personnes non genrées et des violences sexuelles. Toutes ces problématiques parlent à beaucoup de monde et font que le roman peut largement plaire à ceux qui n’aiment pas la science-fiction.

Cependant, le roman souffre de problèmes de rythme et de narration, un peu brouillonne par moments. Le début du livre se dévore vraiment, on est pris par la quête de Aster, par les personnages. Puis l’histoire de la mère d’Aster passe au second plan et le récit a tendance à s’enliser, à se perdre un peu. Heureusement, cela change à nouveau dans le dernier tiers et redevient très prenant.

L’incivilité des fantômes est ainsi un roman écrit avec le cœur, Rivers Solomon connait très bien son sujet et cela reste le plus marquant malgré ces problèmes de rythme. Le roman transpose dans un vaisseau spatial le reflet de notre monde en exposant des problématiques importantes. C’est un roman marquant qui nous parle et nous émeut grâce à ses personnages atypiques.

Autres avis: Elhyandra, Le Chroniqueur, Laird, Yogo, Feydrautha, Tigger Lilly, Vert, Baroona. Gromovar, Lorkhan, Just A Word, Lune, Outrelivres, Yuyine,

Auteurice : Rivers Solomon

Éditeur : Aux Forges de Vulcain /J’ai Lu

Parution: 6 Septembre 2019 / 26/08/2020

La Terre est devenue si inhabitable que les humains ont dû la quitter à bord d’un vaisseau-monde en quête d’un nouveau foyer, qu’ils n’atteindront qu’au terme d’un voyage millénaire. Plusieurs générations se sont écoulées depuis le départ, et le passé est devenu mythologie, le futur, une fable. Parce qu’Aster est noire, elle est reléguée dans les cales du vaisseau et se voit confier, comme à ses congénères, les tâches les plus ingrates. L’hostilité et la violence des riches Blancs lui pèsent chaque jour un peu plus. Lorsque l’un d’eux se met à la persécuter, elle sait que son destin est scellé. Car elle ne baissera plus jamais les yeux.

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