L’Accroissement mathématique du plaisir de Catherine Dufour

L’accroissement mathématique du plaisir est un recueil de 20 nouvelles de Catherine Dufour. Il est édité par les éditions Le Bélial en 2008 puis en poche chez Folio SF en 2011. Ayant reçu le second recueil de nouvelles de l’autrice publié par Le Bélial, L’Arithmétique terrible de la misère, je voulais auparavant lire ce premier livre. Le livre explore tous les genres de l’imaginaire avec brio. On trouve également des préfaces signées Richard Comballot et Brian Stableford, une postface de Catherine Dufour, ainsi qu’un entretien avec l’autrice. La nouvelle « L’immaculée conception » a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire dans la catégorie nouvelle.

Une des choses les plus marquantes dans ce recueil est sa grande richesse, sa variété de genres et de styles. Toutes les histoires regorgent d’idées originales, de trouvailles géniales, ou d’univers étonnants. Catherine Dufour passe avec brio d’un univers à un autre, d’un genre à l’autre, surprenant sans cesse son lecteur.

Dans le registre de la fantasy comique, on trouve par exemple La perruque du juge qui évoque le procès de Peter Pan avec second degré et un final parfait. Le poème au carré s’intéresse à Alice une fois son voyage au Pays des Merveilles achevé et Alice devenue trop grande. J’ai beaucoup aimé également Une troll d’histoire (le contraire aurait été étonnant) où une bande de trolls a été défaite par un pougnard. L’humour est très présent avec beaucoup de jeux de mots et une histoire très trolle!

Dans le domaine de la science-fiction, on retiendra surtout Mémoires mortes le dernier texte du livre mettant en scène un monde très Hi-Tech proche du cyberpunk. L’éducation des enfants est à la charge de robots, l’héroïne est une jeune fille venant de perdre son petit frère. L’histoire et l’univers sont vraiment excellents et on suit avec intérêt ce texte. Un soleil fauve sur l’oreiller m’ a fait penser à un épisode de Black Mirror. Les adolescents y ont une puce implantée dans le corps permettant de savoir toujours où ils sont, du moins quand ils ne trouvent pas le moyen de la pirater. L’amour au temps de l’hormonothérapie génique parle de modification du comportement par les hormones induisant les sentiments. L’accroissement mathématique du plaisir se déroule dans un monde futuriste et parle d’un homme ayant créé une statue parfaite. Un ami va s’éprendre de la statue au point d’en perdre la raison. La nouvelle m’a fait penser à la Vénus d’Ille de Prosper Mérimée mais dans une vision plus moderne empreinte de science fiction. La liste des souffrances autorisées met en scène un monde futuriste où plus rien ou presque n’a de réalité palpable.

Dans le registre plus délirant, on trouve aussi quelques textes comme Je ne suis pas une légende qui fait bien entendu référence au livre de Richard Matheson où Malo est le seul survivant dans une épidémie de vampirisme mais comme héro, on a largement vu mieux! Rien qu’au titre de Kurt Cobain contre Dr No, on devine le registre de ce texte qui parle bien entendu de Krt Cobain qui se retrouve dans un drôle d’endroit après le 5 avril 1994, une plage de sable blanc non loin d’un bar où sert No.

Cependant, c’est dans le genre du fantastique que Catherine Dufour s’en tire le mieux à mon sens. Même si les autres textes sont bons ou très bons, j’ai été particulièrement charmée par tous ceux de ce genre. Le jardin de Charlith est un texte nostalgique qui raconte la fascination de plusieurs garçons pour l’une des filles de leur groupe surnommée Charlith. Un récit court mais émouvant et énigmatique. Dans Vergiss mein nicht un institut proche d’un canal très pollué offre le cadre idéal à une histoire de fantômes. Une très belle nouvelle tout à fait dans l’ambiance fantastique du XIX ème siècle. Rhume des foins a également une atmosphère proche et empreinte de nostalgie dans un jardin des délices. Mater Clamorosum raconte la tragique histoire d’une mère et son fils victimes de la folie des hommes. Une histoire terrible, émouvante et glaçante à la fois. Confession d’un mort est un hommage à Edgard Allan Poe magnifiquement rendu par une histoire où l’ambiance fantastique et les références à Poe font merveille.

Il me reste à parler d’un des textes phares du recueil, L’immaculée conception, nouvelle la plus longue de l’ouvrage et qui permet de retrouver le personnage de Claude croisée dans Des millénaires de silence nous attendent dans le n°100 de la revue Bifrost et plus récemment dans le roman Au bal des absents . Claude a 30 ans et mène une vie très tranquille entre son boulot et son petit studio en banlieue parisienne où elle vit seule. Seule est le mot qui définit Claude, pourtant elle va partager son corps avec un passager clandestin arrivé là on ne sait comment. Cette grossesse se révèle vite un calvaire pour Claude qui ne sait plus ou elle en est. Devient-elle folle ou est ce un miracle? Le texte est admirablement écrit, on suit le parcours de Claude tout en se demandant ce qui lui arrive et sans arriver à vraiment comprendre. La référence à Stephen King est bien trouvé, on s’attache à Claude qui décidément aura subi bien des épreuves.

L’accroissement mathématique du plaisir est ainsi un excellent ouvrage qui marque par son éclectisme et sa grande richesse. Les nouvelles sont extraordinairement variées, très bien écrites chacune avec son style propre. Dans ce recueil, Catherine Dufour nous offre tout son talent dans la forme courte.

Autres avis: Elhyandra, Herbefol, Laird. Gromovar, Boudicca,

Autrice: Catherine Dufour

Éditeur : Le Bélial’

Parution :25/09/2008

Science-fiction, fantastique et fantasy… Catherine Dufour aborde l’ensemble de ces domaines avec un égal bonheur et s’affirme ici comme une nouvelliste de tout premier plan. Au programme: des préfaces signées Richard Comballot et Brian Stableford, vingt récits dont sept inédits, une postface de Catherine Dufour, un entretien, une bibliographie exhaustive. L’Accroissement mathématique du plaisir, qui réunit vingt nouvelles dont « L’Immaculée conception », lauréate du Grand Prix de l’Imaginaire 2008, est son premier recueil.

Sommaire:

  • Je ne suis pas une légende
  • Le Sourire cruel des trois petits cochons
  • L’Immaculée conception
  • Vergiss mein nicht
  • La Lumière des elfes
  • Rhume des foins
  • Le Jardin de Charlith
  • Mater Clamorosum
  • Confession d’un mort
  • Valaam
  • Le Cygne de Bukowski
  • Kurt Cobain contre Dr. No
  • Une troll d’histoire
  • La Perruque du juge
  • Le Poème au carré
  • L’Accroissement mathématique du plaisir
  • La Liste des souffrances autorisées
  • L’Amour au temps de l’hormonothérapie génétique
  • Un Soleil fauve sur l’oreiller
  • Mémoires mortes

Cette chronique fait partie du “Le Projet Maki”

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