Bifrost n° 100 – Spécial Thomas Day

Parmi les revues littéraires consacrées à l’imaginaire, Bifrost fait figure d’ancêtre et de pilier (pour un pont il vaut mieux). En effet, elle a été créée en avril 1996 par Olivier Girard qui en est toujours le directeur. De parution trimestrielle, elle vient d’atteindre le numéro 100, âge canonique s’il en est. Pour fêter cela, le dossier est consacré à un autre pilier du pont arc-en-ciel, Thomas Day édité pour partie par Le Bélial’ et présent depuis les origines de la revue. Ainsi arrive le numéro 100 avec une couverture signée Guillaume Sorel ayant moult fois travaillé avec Thomas Day.

Les nouvelles:

La Bête du loch Doine de Thomas Day:

Cette nouvelle se situe dans le même univers que Noc-kerrigan que l’on pouvait trouver dans le Bifrost n°76 . L’histoire se passe dans un monde médiéval de type nordique. Les croyances sont proches de celles des vikings, les hommes ont foi en la religion de l’Arbre, l’Yggdrasil. Le personnage principal du récit est Zeite, un juif, il a perdu la foi et veut étudier la religion de l’Arbre en rejoignant un noviciat. Le Grand Prêtre décide de l’envoyer en mission dans un village près du loch Doine pour y rencontrer une bûcheronne, Ryhope. Sa mission sera de marquer les arbres à couper. Cette mission va changer sa vision des choses. La nouvelle donne envie de voir cet univers s’agrandir, surtout que la fin est très ouverte. Elle a le potentiel autant par ses personnages excellents que par son histoire à être développée. On dirait presque que l’on lit le début d’un roman tant il reste beaucoup à exploiter dans ce texte. Bref, on en redemande!

Circuits de Rich Larson:

Cette nouvelle m’a fait penser à Snowpiercer par son cadre: un train roule à fond dans un paysage désertique (et pas glacial). La suite change par contre : à bord on y trouve une IA, Mu. On sent rapidement que quelque chose ne va pas à bord de ce train tant le comportement des passagers semble étrange et inquiétant. Et là on retrouve un aspect commun avec Snowpiercer, le train fait des trajets en boucle depuis longtemps. Cet avant goût du recueil de l’auteur paru récemment chez Le Bélial est agréable à lire mais ne m’a pas entièrement convaincue pour le moment.

Des millénaires de silence nous attendent de Catherine Dufour:

On retrouve dans cette nouvelle le personnage de Claude déjà croisée dans la nouvelle L’immaculée conception dans L’Accroissement mathématique du plaisir et dans Au bal des absents Dufour. Par un heureux hasard, il se trouve que j’ai lu ces deux nouvelles à un jour d’intervalle. Il lui en arrive des choses étranges à cette pauvre Claude, c’est impressionnant! Cette fois, elle grandit inexplicablement et sans que les médecins ne la croient. Là voilà avec des habits trop petits pour elle. Parallèlement, on suit le destin de Caroline, jugée trop vieille par sa famille. On reconnait la plume et la tonalité à la fois acide et drôle de Catherine Dufour. Le récit est cependant plus positif que beaucoup d’autres textes de l’autrice avec une fin qui a un peu des airs de Thelma et Louise. Une excellente nouvelle à déguster!

Décapiter est la seule manière de vaincre de Thomas Day :

On retrouve Thomas Day avec une nouvelle marquée par l’Asie. Un texte beaucoup plus court qui met en place un univers futuriste prometteur, même si j’avoue lui préférer celui de la première nouvelle de ce Bifrost. La narration s’alterne entre deux personnages Umezaki et Kimiko. Umezaki est à la tête de Sony et Kimiko est sa fille. On assiste à un combat presque virtuel entre Umezaki et la Renarde. Le texte se lit bien, on retrouve avec plaisir la plume de Thomas Day mais on reste un peu sur sa faim.

Avant le gros du numéro à savoir le dossier, on retrouve un entretien avec Nicolas Martin sur la méthode scientifique sur France Culture. C’est intéressant de connaitre le parcours de Nicolas Martin et comment il en est arrivé à animer cette émission.

Le dossier consacré à Thomas Day est vraiment très complet et riche. Tout d’abord on y trouve un entretien mené par Olivier Girard, ami et éditeur de Thomas Day. Il permet d’apprendre de nombreux éléments sur la vie personnelle de l’auteur et ainsi de mieux comprendre sa manière d’écrire. Thomas Day y parle toujours avec franchise et c’est passionnant à lire, que l’on connaisse bien les livres de l’auteur ou non. On sent la complicité entre Olivier Girard et Thomas Day tout au long de l’entretien et les questions sont très bien ciblées. De tous les Bifrost que j’ai lu, je pense que c’est vraiment l’interview qui m’a le plus marquée et que j’ai lu avec grand intérêt du début à la fin.

A titre personnel, j’ai eu la chance de rencontrer Thomas Day deux fois aux Imaginales à Épinal. La première fois, il était invité et je suis allée lui prendre Sept secondes pour devenir un aigle. Je portais un tee-shirt avec Cthulhu et une licorne qui l’a beaucoup fait rire. La conversation s’est engagée, il connaissait notre blog et peu de temps après j’ai reçu un mail de sa part pour un SP d’AMI qui allait débuter sa collection. La seconde fois fut à nouveau aux Imaginales l’année suivante. Au hasard de déambulations dans la bulle du livre, nous avons croisé Thomas Day (ce qui tombait bien, j’avais un livre à me faire dédicacer). Je me souviens qu’il nous a parlé avec passion de Une cosmologie de monstres de Shaun Hamill qui était la prochaine parution de AMI. Deux rencontres marquantes dont je me souviendrais certainement longtemps.

Un guide de lecture vient compléter le dossier et c’est là que je m’aperçois que j’ai lu beaucoup de livres de Thomas Day. Il me manque ceux en collaboration avec Ugo Bellagamba qui est d’ailleurs en interview à la fin du dossier. Là aussi une interview où on apprend beaucoup sur la relation entre éditeur et auteur mais aussi la manière d’écrire à 4 mains.

Un excellent numéro de Bifrost autant pour le dossier vraiment passionnant à lire que pour les nouvelles d’un très bon niveau.

Autres avis: FeydRautha (Des Millénaires de silence nous attendent – Catherine Dufour), Ombrebones (la bête du loch Doine & Décapiter est la seule manière de vaincre – Thomas Day), Ombrebones (Circuits de Rick Larson & des millénaires de silence nous attendent de Catherine Dufour, Ombrebones (encore Bifrost ça inspire), Lutin 82, Xapur,

Cette chronique fait partie du “Le Projet Maki”

20 commentaires

    • Oui en plus de bien connaitre l’écrivain ça aide. Mais j’aime beaucoup la franchise dont fait preuve Thomas Day et le fait que ce soit Olivier Girard qui pose les questions fait que l’interview est vraiment passionnante, il cible bien les questions.

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  1. Tu es la première qui dit que Circuits de Rich Larson n’est pas enthousiasmante.

    Comme cette nouvelle est présente dans le recueil et que je l’ai dans la liseuse, cela me donne envie d’aller la lire pour me faire ma propre idée.

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  2. C’était très cool de retrouver Claude. J’ai lu L’immaculée conception mais mis à part qu’elle était très choquante, je ne m’en rappelle plus (enfin je crois qu’elle est mentionnée en clin d’œil dans le bal des absents quand elle parle de ce qui s’est passé avec son enfant). Enfin j’ai l’intention de relire son premier recueil à l’occasion.

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