Une cosmologie de monstres – Shaun Hamill

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Un avis de Stephen King en personne et une future adaptation en série télévisée annoncée alors que le livre n’est pas encore sorti, on pourrait difficilement rêver mieux pour un premier roman. C’est ce qui arrive à Shaun Hamill avec Une cosmologie de monstres. Et c’est amplement mérité, le roman étant une vraie réussite.

L’histoire d’une famille ordinaire

Une cosmologie de monstres est avant tout l’histoire d’une famille américaine ordinaire de 1968 à nos jours. Elle est racontée par le fils, Noah, qui relate les événements à partir de la rencontre de ses parents, bien des années avant sa naissance. Tout commence par la rencontre entre Margaret, étudiante obligée de travailler dans une librairie pour financer ses études, et Harry, fan de Lovecraft. Margaret choisit d’épouser Harry au grand dam de sa famille. Elle choisit l’amour plutôt que la sécurité financière. Les années passent, les enfants naissent, trois : deux filles, Sidney et Eunice,  puis un garçon, Noah. En apparence, les Turner sont une famille banale avec ses hauts et ses bas comme toute famille. Cependant, Harry aime tout ce qui a trait au surnaturel, à l’horreur. Un beau jour, il décide de construire une maison hantée pour ses filles. Une passion qui va peu à peu toucher toute la famille et qui prendra une grande importance dans la vie de la famille.

Ainsi va naître un projet spécial, celui d’une attraction de maison hantée. Pendant ce temps, la vie de famille continue, les années passent et les Turner se dévoilent. Les membres de la famille apparaissent vite attachants, simples et proches du lecteur. Ce ne sont pas des intellectuels froids et détachés comme on en trouve le plus souvent chez Lovecraft. Chez Lovecraft, les personnages sont le plus souvent au service de l’histoire, lui servent de faire-valoir, quand ils ne sont pas juste des victimes. Avec Shaun Hamill, les personnages font partie de l’histoire, ils la vivent. Ce sont juste des gens que l’on pourrait croiser dans notre vie. Des gens marqués par le destin, par le malheur qui semble planer sur eux au fil des années, comme une ombre à la fois éloignée et de plus en plus proche. Cette chronique familiale s’étalant sur cinquante ans tire parti d’une écriture fluide, prenante, l’auteur faisant vivre ses personnages sous les yeux du lecteur qui tourne les pages sans s’en rendre compte. On est en effet très vite happé par ce roman, par la plume de Shaun Hamill, par un texte qui prend au corps.

Un hommage à l’œuvre de Lovecraft

À travers cette histoire familiale, Shaun Hamill nous expose son amour pour l’œuvre de Lovecraft. Cependant, il n’hésite pas à égratigner les textes de l’écrivain de Providence. Quand Margaret lit l’auteur pour la première fois, après que Harry lui ait prêté un de ses livres, elle trouve sa prose « aride et tarabiscotée », « presque illisible », avec des personnages qui « n’évoluaient jamais, ni n’entraient en interaction, comme des humains l’auraient fait. » Des « défauts » corrigés par Shaun Hamill qui créé des personnages humains, les fait évoluer au fil des rencontres, des événements, mais qui malgré tout tire son inspiration du côté de Lovecraft. Le récit se fait sous forme de flashback par le fils de la famille. L’auteur donne des titres d’écrits de Lovecraft à ses chapitres. Il s’inspire des thèmes chers à Lovecraft, la folie, le rêve, la peur, la mort et en fait quelque chose qui lui est propre, une mythologie revisitée, sa cosmologie des monstres.

Ce qui impressionne le plus dans ce roman de Shaun Hamill, c’est à quel point, il est maîtrisé de bout en bout. Le roman est parfaitement immersif en prenant des faux airs de normalité puis nous happe vraiment en parlant de désespoir, de monstres, d’horreur cosmique et tout simplement de la vie qui passe pour des personnages qui se cachent, fuient, essayent de (sur)vivre. Le roman est ensuite brillamment construit avec des encarts où la narration n’est plus assurée par Noah, où l’on se questionne, et qui peu à peu révèlent la nature de l’intrigue. En un mot, Shaun Hamill a réussit à s’approprier l’œuvre de Lovecraft, à s’en inspirer, la digérer et à la dépasser. Il a aussi créé une histoire que tout lecteur pourra apprécier. Les connaisseurs de Lovecraft relèveront les références avec plaisir, mais les néophytes ou seulement amateurs y trouveront aussi leur compte sans aucun problème.

Une cosmologie de monstres est ainsi un roman intelligent, rythmé, très immersif. L’auteur mélange l’histoire d’une famille ordinaire sur une longue période et surnaturel. Il pointe du doigt dès le départ les défauts de l’œuvre de Lovecraft, les corrige et transforme le tout pour nous offrir sa vision, sa cosmologie de monstres. Lovecraft était un créateur d’univers, de monstres, fourmillant d’idées. Shaun Hamill est un raconteur d’histoires, un créateur de personnages.  Un vrai coup de maitre!

Chronique réalisée dans le cadre d’un Service Presse (merci encore)

Voir aussi: interview de l’auteur

Autres avis: ApophisFeydRautha, Gromovar

cosmologie

Auteur : Shaun Hamill

Édition: Albin Michel Imaginaire

Le roman a été traduit par Benoît Domis.

25 commentaires

  1. Eh bien, tu étais au taqué pour livrer ton avis (comme quelques autres) !
    La mienne paraitra plus tard, mais devrait ressembler plus ou moins à une paraphrase de la tienne.
    Mon Lovecraft étant très ancien, cela ne m’a pas empêcher d’apprécier ce roman. Comme tu l’écris, les amateurs chercheront et décèleront les références, les autres savoureront.

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