Retour à Arkham-Robert Bloch

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Retour à Arkham est un roman de Robert Bloch paru en 1978 aux États-Unis et en 1980 chez Nouvelles Éditions Oswald puis en 1991 chez Pocket. Le titre original du roman est Strange Eons, mais les traducteurs de l’époque ont sans doute pensé que la traduction littérale sonnerait moins Lovecraft que Retour à Arkham, qui ancre de suite le roman dans la mythologie lovecraftienne, alors que cela n’a rien à voir avec le récit, qui  pour le coup ne se passe pas du tout à Arkham. Pour le mois Lovecraft  des Indés de l’Imaginaire (qui a lieu en mars), les éditions Mnémos ont décidé de rééditer ce roman avec une nouvelle traduction signée François Truchaud.

Robert Bloch a connu un grand succès grâce à l’adaptation de son roman Psychose par Alfred Hitchcock. Mais l’auteur a écrit de nombreux romans, nouvelles et scénarios. Il a écrit des romans policiers et du fantastique. Il a commencé à s’intéresser très jeune à l’imaginaire via Weird Tales, dans lequel il a connu Howard Philips Lovecraft. Puis à l’âge de 15 ans, Robert Bloch s’est mis à avoir une correspondance régulière avec l’écrivain de Providence qui lui a donné des conseils en écriture. Robert Bloch lui en fut très reconnaissant et écrivit plusieurs textes dans le cadre de la mythologie créée par Lovecraft, dont Strange Eons. Robert Bloch a d’ailleurs utilisé Lovecraft en tant que personnage dans la nouvelle Le Visiteur venu des étoiles où il finit dévoré par une créature extraterrestre (avec l’accord de Lovecraft lui-même). Lovecraft rendit la pareille à Robert Bloch avec la mort de Robert Blake (notez l’habile maquillage du nom par le maître de Providence 😉 ) dans Celui qui hantait les ténèbres en 1936. Cette anecdote est d’ailleurs mentionnée dans Strange Eons, comme un procédé clin d’œil bien sympathique ma foi.

Ce roman est en fait rempli de références aux écrits de Lovecraft, et  Robert Bloch rend ainsi hommage  à son mentor. Le roman est constituée de trois parties qui sont liées entre elle et forment un tout, mais pourraient presque se lire comme des nouvelles. L’univers développé par Lovecraft est présent tout au long du roman, et dès le début. Albert Keith habite en Californie, il aime l’art et ce qui a trait au surnaturel. Il fait ainsi une trouvaille d’un tableau qui le fascine et qu’il achète dans la foulée. Cet achat va le mener vers une étrange enquête dans laquelle l’aide d’un ami connaisseur de l’œuvre du maître de Providence va être très précieuse. Cette aide est aussi précieuse pour les lecteurs qui auraient quelques oublis dans l’œuvre de Lovecraft, et le livre constitue presque un guide de lecture par moment. Robert Bloch prolonge l’univers de Cthulhu et lui donne une réalité, une autre vie. Ce roman ne fait pas seulement référence à Le modèle de Pickman, nouvelle où il est question du fameux tableau, mais à beaucoup d’autres nouvelles de Lovecraft.

La seconde partie du roman a des protagonistes différents, et s’apparente également à une enquête sous fond de surnaturel, de créatures à tentacules et de profonds. Les sectes font leur apparition ainsi que les catastrophes naturelles. Le récit est tout à fait dans l’ambiance des écrits de Lovecraft, de plus en plus sombre, avec des hésitations entre folie et vérité, des personnages confrontés à l’indicible et qui doutent de ce qu’ils découvrent. La dernière partie a également des protagonistes différents et se situe un peu plus loin dans le temps. Elle est plus courte que les précédentes mais très angoissante. Les personnages de la première histoire correspondent à ceux qu’utilisaient souvent Lovecraft, il est d’ailleurs amusant de voir que Albert Keith se fait lui-même cette réflexion, Robert Bloch fait ainsi une mise en abîme du plus bel effet. Cependant dans la seconde partie, le personnage au centre du récit est une femme, et on retrouvait très peu de femmes chez Lovecraft. En plus, il s’agit d’une femme moderne, vivant seule et travaillant. Il est amusant de voir que l’éditeur Sans Détour a pris ce livre en référence pour donner des exemples de type d’aventures, parlant d’ « Horreur Lovecraftienne » pour la première partie (= le mode de jeu le plus proche de l’esprit de HPL) et d’ « Aventure Occulte » pour la deuxième partie (= mode de jeu plus libre et moins désespéré dans l’idée).

Strange Eons est un bel hommage offert par Robert Bloch à Lovecraft. Les amateurs de Lovecraft auront plaisir à découvrir ce roman. Pour les lecteurs moins familiers, ce roman peut servir de guide mais ils risqueraient de passer à côté de nombreux clins d’œil et d’en apprendre un peu trop sur certains textes. Strange Eons bénéficie d’une construction habile et d’un rythme effréné qui offre une lecture très agréable.

autres avis: Le chroniqueur

cof

Auteur: Robert Bloch

Édition: Pocket 1991 puis réédition Mnémos le 21 mars 2019

Quand Albert Keith a vu ce tableau, il n’a pas pu résister : il l’a acheté. De fait, on a rarement vu œuvre d’art plus répugnante, plus digne de séduire un authentique amateur d’insolite. Lovecraft a même décrit, dans une nouvelle célèbre, une toile tout à fait semblable : le grand écrivain disparu, connu pour son imagination débordante, aurait-il, pour une fois, décrit ce qu’il voyait ? Albert Keith pense tout de suite à un canular monté par le vieux Maître avec la complicité du peintre. A moins qu’il n’ait, tout au contraire, été terriblement sérieux : ce voyage vers l’horreur et la mort où il entraîne ses lecteurs, peut-être l’a-t-il entrepris lui-même, peut-être l’annonce-t-il par-delà la tombe à l’humanité naïvement incrédule ? Décidément, Albert Keith, il n’aurait pas fallu acheter ce tableau ; mais si le sort t’a fait entrevoir l’éclat fuligineux des Grands Anciens qui redressent l’échine, à toi de jouer, s’il en est encore temps ! Le sort du monde est-il entre tes mains ?

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