La horde du contrevent – Alain Damasio

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Ce roman est resté longtemps dans ma PAL car il me faisait un peu peur pour plusieurs raisons: les avis assez tranchés, le fait qu’il faille s’accrocher au début et que c’est une lecture assez difficile. Tout cela est vrai, c’est vraiment un roman hors norme, mélange de plusieurs genres, une expérience de lecture à part, un roman que je suis contente d’avoir lu, que j’ai beaucoup aimé mais qui ne fut pas un coup de cœur non plus.

Le roman a été publié en 2004 aux éditions La Volte et il a remporté un grand succès autant au niveau des ventes que des critiques. Il a d’ailleurs remporté le Grand prix de l’imaginaire en 2006. Le roman a plusieurs particularités: La première est que la numération des pages est faite dans un ordre inversé (ce qui est pratique pour savoir combien de pages il reste à lire) mais cela a une raison que l’on comprend à la fin. L’autre caractéristique du roman est d’être raconté par plusieurs personnages qui sont symbolisés par des symboles en début de paragraphe, ce qui permet de savoir qui parle. Chaque personnage ayant un langage particulier, un point de vue propre et l’auteur adaptant son style en fonction de cela. Au début du roman, la correspondance entre les symboles et les personnages est indiquée mais un marque page avec les mêmes indications est aussi fourni avec le livre, et c’est bien utile (surtout au début). Ce système de narration rend la lecture du roman un peu difficile au début car les changements de narrateur sont très fréquents mais en même temps, il donne beaucoup de dynamisme au récit et permet de beaucoup mieux connaitre les différents personnages.

Le roman raconte l’histoire de la trente-quatrième horde du contrevent formée de 23 personnes qui ont entre vingt-sept et quarante-trois ans. Ils se connaissent depuis l’enfance et sillonnent leur monde depuis de nombreuses années. Leur but est d’atteindre l’extrême amont et de connaitre les neuf formes de vent. Depuis leur enfance, ils ont été formés chacun à une spécialité différente dans l’unique but de former cette horde et d’essayer de réussir là où les 33 hordes principales ont échoué depuis huit siècles. Tous les espoirs reposent sur cette horde qu’on dit être la meilleure. Ils sont partis d’Aberlaas, cité de l’Extrême-Aval où ils ont eu leur formation à la Horde. Tous leurs trajets se font à pied car cela est nécessaire pour connaitre les formes du vent.

Au début du roman, la horde a quitté Aberlaas depuis 28 ans et forme donc un tout, ils sont solidaires et se connaissent tous très bien. Chacun a un rôle bien défini qui va d’éclaireur à soigneuse en passant par géomaître. Tous les personnages ont développé des liens intenses. Certains se sont joints à la Horde en cours de route. Tous sont différents, ont une personnalité propre mais forment pourtant une entité très unie. Cet assemblage paradoxal est très bien rendu dans le récit notamment grâce à la narration à plusieurs voix. Cependant certains personnages ressortent plus que les autres: le traceur Golgoth, le 9ème du nom, Caracole, le mystérieux et étrange troubadour, Oroshi  aéromaîtresse qui connait le vent et les membres de la Horde mieux que quiconque, Pietro Della Rocca, prince au noble caractère, Sov le scribe, personnage le plus émouvant et attachant. Ces personnages sont un des gros points forts de ce roman, ils sont hors normes, tout en restant très humains et font preuve d’un grand courage. La question du dépassement de soi est au centre de beaucoup de moments forts du récit. Jusqu’où les membres de la Horde sont ils prêts à aller pour atteindre leur but? Connaitre l’origine du vent est il plus important que leur propre vie? Toute cette thématique est très bien abordée et on a presque l’impression de lire un récit de voyage en conditions extrêmes par moments.

Il faut dire que les aventures vécues par la Horde se font dans des circonstances très difficiles mais dans un monde rempli de paysages défiants l’imagination. Ils avancent à contre-courant dans des paysages balayés par les vents, traversant des plaines, des pics gelés, des étendues d’eau, des marais. Ces paysages ont quelque chose de captivant et de mystérieux. Les passages dans le massif de Norska sont d’ailleurs à couper le souffle. Le voyage de la Horde est tout bonnement prodigieux, magnifique et presque impossible.

Une des autres particularités de ce roman est qu’il est très dur à classer dans un genre. La construction de l’univers sur une planète le ferait entrer dans le planet-opera, mais en y regardant de plus près la technologie, le récit font penser à de la fantasy. Des passages font penser à des récits d’aventures. Le tout donne un ensemble extrêmement bien construit, pensé et rendu, un peu comme la Horde elle-même formée d’éléments très hétéroclites mais donnant un tout homogène.

Certains passages du roman sont très intenses et on a vraiment du mal à lâcher le roman. Les passages dans le massif de Norska, ceux dans la cité d’Alticcio, mais aussi le duel littéraire entre Caracole et Sélème, tout simplement génial montrant une maîtrise de la langue française exceptionnelle qu’on suit avec délectation. L’écriture d’Alain Damasio est d’ailleurs à souligner, quel travail ce roman a dû être, faire parler 23 personnes et construire un vrai récit clair et vivant, j’ai du mal à imaginer la somme de travail mais y ajouter en plus des jeux sur la langue alliés à une écriture très belle et vivante, c’est vraiment somptueux.

Le vocabulaire employé est très riche et certains termes caractéristiques à l’univers ne sont pas expliqués. J’ai trouvé cela dommage car cela a gêné mon immersion dans l’univers. Certains passages à la fin du roman notamment sont difficiles à lire et à comprendre et ont fait que le roman n’a pas été un véritable coup de cœur alors que d’autres passages auparavant m’ont vraiment accrochée et marquée.

La Horde du contrevent est donc un roman vraiment particulier pour plusieurs raisons: la narration, l’univers, le mélange des genres, ses personnages. Le tout est vraiment complexe et brillant. La richesse de l’univers, des trouvailles littéraires, des personnages et de l’aventure en font une grande réussite remplie de passages vraiment extraordinaires.

 Autres avis: AelinelL’ours inculteYogo, Marie-Juliet, Elbakin, Lhisbei, Lorhkan,  Vert, BoudiccaBlackwolfFeydRautha

horde

Auteur: Alain Damasio

Édition: La Volte en 2004

Gallimard Folio SF 2007

Un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils sont pilier, ailier, traceur, aéromètre et géomètre, feuleuse et sourcière, troubadour et scribe. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême-Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou.

Expérience de lecture unique, La Horde du Contrevent est un livre-univers qui fond d’un même feu l’aventure et la poésie des parcours, le combat nu et la quête d’un sens profond du vivant qui unirait le mouvement et le lien. Chaque mot résonne, claque, fuse : Alain Damasio joue de sa plume comme d’un pinceau, d’une caméra ou d’une arme…
Chef-d’œuvre porté par un bouche-à-oreille rare, le roman a été logiquement récompensé par le Grand Prix de l’Imaginaire.

Cette chronique fait partie du : Le challenge abc litterature de l’imaginaire 2018

Et du challenge Summer Star Wars – Épisode VIII

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Bien que j’ai un gros doute mais il me semble qu’il a compté les années précédentes 🙂

30 commentaires

  1. Ce livre est chez moi dans les « Chefs d’oeuvre ». J’ai adoré. C’est un livre que je prête souvent à des personnes qui ne connaissent pas la SF. Ca passe ou ça casse mais j’ai très majoritairement des retours enthousiastes.

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    • Merci. Je te confirme qu’il faut prendre son temps. Je l’avais commencé une première fois mais c’était pas un bon moment. J’ai profité d’un peu plus de calme à la maison pour le lire et j’ai pu en profiter.

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  2. Très beau roman ! Y’a des passages pas faciles parfois, du coup une relecture ne fait jamais de mal pour mieux les apprécier (j’avais presque détesté le final la première fois d’ailleurs xD)

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  3. La phrase « L’important ce n’est pas la destination, mais le voyage » a été inventé pour ce livre (enfin, je crois =P).
    J’en garde un excellent souvenir : pas facile, pas exempt de quelques défauts, mais quel dépaysement et quelle sensation de faire partie de la Horde par moment. Belle chronique en tout cas. 😉

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  4. Ta chronique me donne envie de le relire ! J’avais adoré cette lecture, et je me souviens de certaines scènes très précisément, même des années après (c’est la marque des grands livres^^)

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  5. Moi aussi tu me donnes envie de le relire, il fait partie des chefs d’oeuvre chez moi.
    Ce n’est pas un roman facile d’accès, mais si on parvient à entrer dedans, c’est du bonheur. J’ai encore en tête un certain de scènes de haute volée, certaines dotées d’une puissance rare (mais je ne peux pas te dire lesquelles ce serait spoilers pour les autres commentateurs…).
    Bref, j’adore !

    Et merci pour le lien. 😉

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  6. Pour moi aussi ce roman est un chef d’oeuvre. Pour la maîtrise de la langue (ahlala ces joutes verbales, quel pied ça a été pour moi de les lire et relire à voix haute), pour sa construction, son univers, ses personnages, son final et toutes les émotions suscitées.
    Je le classe dans les romans majeurs pluri-genres à lire.
    Assurément, il demande un effort de concentration mais quel plaisir !
    Ça donne envie de le relire, oui.

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  7. Tiens, vous auriez aussi pu inscrire, en 2018, ce billet au Challenge « Pavé de l’été » de Brize (puisqu’il existe une édition « Folio » en 736 pages), en plus de « L’enfant de poussière ». Ca m’étonne que vous ne l’ayez pas fait… Mais bon, ça ne me regardait pas à l’époque 😉
    Pour 2023, je me permets de signaler que, comme Brize a décidé de ne pas organiser d’édition 2023 de son challenge, Sibylline et moi-même en organisons, indépendamment, deux.
    Alors, si le coeur vous en dit d’alléger votre éventuelle PAL de non moins éventuels « épais » volumes cet été…?
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

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