La quête onirique de Vellitt Boe-Kij Johnson

Couve La Quête 1e et 4e

J’avais beaucoup aimé Un pont sur la brume  de Kij Johnson paru dans la collection Une heure lumière chez Le Bélial aussi quand j’ai su qu’un nouveau roman de l’auteure était prévu, cela a suscité ma curiosité. La quête onirique de Vellitt Boe fait référence à La quête onirique de Kadath l’inconnue et aux contrées du rêve de Lovecraft. Les illustrations sont signées Nicolas Fructus. Avec tout ça, je ne pouvais que céder à la tentation et lire ce livre.

J’ai lu beaucoup de textes de Lovecraft et je connais assez bien son univers même si je n’ai pas lu les textes se passant dans les contrées du rêve comme La quête onirique de Kadath l’inconnue. Cependant, cela ne m’a pas gêné dans ma lecture, même si je pense qu’on comprend mieux certaines références quand on connait cette œuvre. Je me suis lancée dans ma lecture un peu comme lorsque l’on découvre un pays pour la première fois, en en connaissant seulement quelques bribes. Et je ressors de ma lecture plus que ravie en espérant lire bientôt d’autres textes de Kij Johnson.

Même si j’apprécie beaucoup H.P.Lovecraft, il faut reconnaitre de gros défauts à son œuvre, parmi lesquels le rôle des femmes. La femme chez Lovecraft n’est pas absente, elle est simplement  réduite au rôle de couveuse pour dieu ancien, ou de sorcière horrible et malsaine, ou encore à être possédée par un vil sorcier. Des rôles fort peu enviables en somme. En partant de ce constat, Kij Johnson rend un hommage au Maître de Providence mais en mettant en avant la place des femmes avec un personnage principal féminin d’un certain âge: Vellitt Boe.

Vellitt Boe est enseignante en mathématiques à l’illustre université pour femmes d’Ulthar. Un matin, elle apprend qu’une de ses meilleures étudiantes a fugué en compagnie d’un homme venant du royaume de l’éveil (notre monde). Le problème est que cette fugue pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour l’université et ensuite pour le monde. Vellitt décide donc de partir à la recherche des 2 fugitifs pour ramener son élève dans le droit chemin. Ce qui semblait au début être une simple poursuite va se transformer en véritable quête dans laquelle Vellitt va accomplir un long voyage au sein des contrées du rêve en allant de la forêt des zoogs à Ilek-vad où règne Randolph Carter, nous offrant ainsi un bel aperçu du monde du rêve. Cet univers est très dépaysant et on prend plaisir à le découvrir sous la plume de Kij Johnson, toujours aussi ensorcelante et soignée. Elle apporte sa touche personnelle au monde de Lovecraft sans jamais tomber dans la parodie.

Une des grandes réussites du roman est son personnage principal, une femme au fort tempérament et indépendante. L’auteure prend le temps de nous parler du passé de Vellitt qui a vécu de nombreuses aventures avant de se poser en tant que professeure à l’Université. C’est une cinquantenaire qui a bien vécu, elle a beaucoup d’expériences dans les voyages au sein des contrées du rêve et sait très bien où elle va. Au travers de ce personnage très attachant, l’auteure parle du rôle de la femme de façon subtile en évoquant le regard des hommes sur une femme qui prend de l’âge, ou encore l’indépendance des femmes. Kij Johnson réussit un sacré tour de force avec ce personnage féminin indépendant dans l’univers de Lovecraft.

Le roman est assez court mais aborde beaucoup de thèmes: la place des femmes chez Lovecraft et de manière plus générale,  le voyage sous forme de quête initiatique, les choix de vie ou encore la notion de sacrifice. Le sacrifice est présent à plusieurs reprises: pour Vellitt qui prend beaucoup de risques tout au long de sa quête en rencontrant des créatures dangereuses mais aussi pour son élève Clarie Jurat qui se voit contrainte de sacrifier une partie de ses aspirations. Après tout, pourquoi n’aurait elle pas droit de vivre son histoire d’amour et de fuir son destin tout tracé de bonne élève.

Il faut également souligner le travail fait par Nicolas Fructus et Serena Malyon qui signe une très belle carte en couleur des contrées du rêve. Nicolas Fructus signe la superbe couverture du livre et des illustrations intérieures à l’encre. Une interview de l’autrice est également présente à la fin du livre. Elle permet d’en apprendre un peu plus sur Kij Johnson et son rapport à Lovecraft.

La quête onirique de Vellitt Boe est ainsi un splendide roman sans aucun temps mort qui peut se lire d’une traite.  Kij Johnson rend hommage à l’univers de Lovecraft tout en mettant en scène un personnage féminin indépendant et charismatique. Le style élégant et envoutant de l’auteure nous entraine dans un magnifique voyage où on l’impression de rêver éveillé. Ce roman est un vrai bijou servi dans un magnifique écrin.

Autres avis: l’ours inculte, Gromovar, BlackWolf, Vert, Apophis

L’image contient peut-être : chat

Clarie Jurat a disparu. Nul ne sait où, mais il semblerait qu’elle se soit enfuie en compagnie d’un homme… un homme venu du monde de l’éveil. Au sein du Collège de femmes d’Ulthar, c’est la consternation : pareille fugue pourrait remettre en cause l’existence même de l’institution. Pour Vellitt Boe, le temps est venu d’abandonner ses atours confortables de professeure vieillissante au profit de sa défroque oubliée de voyageuse émérite ; retrouver son élève est impératif. Une quête qui la conduira loin, bien plus loin qu’elle ne l’imagine, d’Ulthar à Celephaïs, au-delà même de la mer Cérénarienne, jusqu’au trône d’une ancienne connaissance, un certain Randolph Carter…

Auteure: Kij Johnson

Traduction : Florence DOLISI

Illustrateur: Nicolas FRUCTUS

carte de Serena Malyon

Parution : 15 février 2018

World Fantasy Award 2017

Aplat de couverture

Cette chronique fait partie du : Le challenge abc litterature de l’imaginaire 2018

22 commentaires

  1. Ok, ok, je prends 😀 J’étais déjà très tentée après les critique d’Apophis et de L’ours inculte, mais là je ne peux plus me défiler ^^ Je le rajoute à mon programme des prochaines semaines !

    Aimé par 1 personne

  2. […] La quête onirique de Vellitt Boe de Kij Johnson publiée également chez Le Bélial  s’inscrivait dans ce même courant. Kij Johnson avait choisi comme support La Quête Onirique de Kadath L’Inconnue en ayant comme personnage principal une femme professeure d’université. Victor Lavalle a pour sa part choisi de mettre en cause le côté raciste de Lovecraft en partant d’un texte très controversé et un peu moins connu de l’écrivain, L’Horreur à Red Hook écrit en 1925. Cette nouvelle de H. P. Lovecraft a été écrite quand l’auteur a vécu à New York, ville qu’il a purement détestée. Lovecraft a vécu dans le quartier de Red Hook et son horreur pour la ville et ce quartier en particulier transparait dans la nouvelle de manière abjecte. Ce texte est un des plus odieux de l’écrivain où l’on voit son rejet de tout ce qui n’est pas comme lui. Le dégoût des grandes villes est presque palpable dans la nouvelle. Autre fait à savoir concernant ce texte, est qu’il ne s’inscrit pas dans le fameux mythe de Cthulhu, il y a des références occultes mais au culte de Lilith et on n’y parle pas de grands anciens. […]

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